De la porte du garage au Kremlin de Moscou à vélo , avec tente et réchaud. Traversée de la Bohème, visite de Prague, Varsovie avant la frontière internationale qui ouvre sur la Biélorussie, sa capitale Minsk puis sur la Russie, Smolensk et enfin La mégapole ... Moscou.
Sur la place Rouge se décide le retour par St Pétersbourg puis les pays baltes baignés par la somptueuse Mer Baltique avant la Pologne des Lacs, Berlin et l'ex Allemagne de l'Est et enfin ... la porte du garage.
Un périple de 7200km en 68 jours, une aventure pleine de charme dans des pays chaleureux, une aventure humaine dans des paysages inoubliables.
Une tranche de vie qui marque la mémoire.
Bonjour à tous
Le 21 Mai, la pression monte avec les secondes qui s’égrènent. Toutes les personnes présentes me réchauffent bien fort et j’en ai besoin, mon objectif moscovite me semble bien périlleux. Il faut partir ... le stress déborde. Me couler dans ma peau de voyageur ne sera pas le plus facile. Je choisis la tranquillité du canal pour mettre mes idées en place, je tente de retrouver mes esprits. Espoir vain. Mulhouse, la Hardt, je semble m’apaiser, il n’en est rien. A Fessenheim, l’œil est noir, le ciel tout autant. Nuit orageuse à Vieux-Brisach. Le cordon ombilical n'est pas encore rompu.
Le 22, Foret Noire. 10 h, le soleil naît, la chaleur s’installe. La montagne grignote peu à peu mon paysage. Mes fringues de voyageur ne sont toujours pas à ma taille et pourtant déjà collées à ma peau. Ce soir, au bord du torrent dans l’ascension d’un second col je comprends que mon manque d’enthousiasme est dû au manque de dépaysement. A suivre
le 23, Tübingen. La Forêt Noire est physique avec ses côtes à 12% à répétition. En soirée je clos épuisé et pour cause, par 3 fois je me trouve face à
des routes réservées aux voitures. Galère. Il me faut une carte plus détaillée. Indispensable. Je perds trop d'énergie sur ce point. L'Allemagne n'est pas le top pour les voyageurs à vélo
contrairement à ce que l'on croit. Je dors enfin à Tübingen ; repos mérité. Les côtes françaises s'éloignent.
le 24 sur les hauts de Schondorf. Dans les moments difficiles la chance me sourit. Riche d'une nouvelle Map, si si, je peux enfin donner un sens à ma trajectoire germanique. Je commence à n'être
plus très propre, mais un brin d'aventure me gagne... Si ce doit être à ce prix, alors que noir je devienne. Très fatigué, le profil guerrier des étapes n'y est pas étrange. Nuit en altitude,
afin de superviser demain, et son flot de surprises.
le 25, j'entre peu à peu dans l'aventure comme à reculons alors que j'avance. Les soucis me noient. Je change la chaîne du véhicule mais les côtes
restent abruptes, l’aventure ... ordinaire et modeste. La routine m'assaille, filons. Comme lors de chaque périple, disponibilité, bonté et sympathie rencontrées sont des raisons pour
poursuivre.
le 25, la houle montagneuse semble s'essouffler. Je récupère. Nuremberg, gros bourg et gros orage. Ville pleine de vie et de CRS. L'un ne va pas sans l'autre. J ai aimé cette musique, cette
ambiance, ce mélange de cultures. Pris par le temps et par les eaux, chargé comme un mulet, je dors avec les chevaux.
le 26, une semaine de bitume, pas de grandes villes mais de petites bourgades, pour certaines bien charmantes ; clin d'oeil touristique. Quelle amabilité ces allemands à mon égard, le voyage à
vélo les séduit mais surtout les fait rêver. Ce soir alors que la frontière s'approche sans bruit, un terrible orage me plante sous ma tente. La pluie prend le relais et moi le repos avec la
fatigue revenue. La nuit tombe de plus en plus tôt.
le 27, nuit cauchemardesque d'orages en série. Dernière surprise allemande, magasins fermés le lundi même les épiceries. Du neuf, voici la Tchéquie. Magasins tous ouverts, pas de liquide. Entre
les 2 pays le contraste est saisissant, le dénivelé infernal, la météo extrême. Il va falloir tenir, le temps est complètement détraqué. A chaque instant suffit sa peine, la mienne est
lourde.
le 28, nuit dantesque, la flotte par seaux... Je prends la route et vous écris de Plzen, grosse ville. A bientôt.
Le 29/05, Je vous ai laissés à Plzen, grosse ville tchèque que j'ai pris plaisir à découvrir, mais chut, c'est un
secret ! Je suis relativement déçu par la culture MacDo qui se palpe ... enfin je veux dire qui se voit. Dommage pour ce peuple maître de cette bohême qui m'a tant fait rêver mais aujourd'hui si
... européenne. Moulée quoi !!!! Mon oeil inquisiteur détecte ça et là des traces d'un passé si ... dépassé.
Le 30/05, Prague. La capitale était le joyau de cette étape, le souci également car les grosses villes
sont de terribles labyrinthes, souvent très dangereux. Prague, contrairement à tous les aveux recueillis, ne m'a pas fait rêver, si peu même que je suis sûr
de ne jamais y revenir. En vélo ce fut un chemin de croix, ce parcours découverte. Ville aux rues très pentues, trottoirs impraticables, monuments cachés aux
4 coins de la ville, trams mal intégrés dans la circulation avec ses propres trottoirs et les pavés pour faciliter le fonctionnement ; mon angoisse fut de tous les instants, ma visite trop
longue. La sortie fut un sport de combat. Je me faisais un plaisir de cette découverte, ce fut un bide pire que celui du Tchèque. J'ai également trouvé un manque d'élegance global en retrait de
celui que requiert une capitale. AMEN.
Le 31/05, j ai passé le cap des 1000 km, pris dans un flot incessant de camions. C'est aussi cela le voyage. Arrêt à
Hradec, belle ville en pleine reconstruction à 40 km de la frontière polonaise.
Le 10/06, après votre visite je découvre Kobryn, surprenante ville soviétique. Les magasins sont, je pense, d'état.
Tout le laisse à penser, surtout les vendeuses particulièrement sympas. Un plaisir que d'aller faire ses courses, chaque jour réitèré. La ville me file un bon coup de blues, je file par
l'ancienne nationale pas toujours en bon état. 40 bornes de bois, de cultures, un grand bol de nature, un grand manque de vie. Nombreux marécages, eau omniprésente, les paysages sont
intrinséquement beaux, la misère exposée, les moustiques en cohortes et turbulents. Royaume du pécheur, de la cigogne, de la verdure, je clos à 6?PO3A.
Le 11/06, les moustiques sont pour l'instant mes pires ennemis, ils sont si nombreux et moi si... seul et vulnérable! La bataille est inégale mais pas perdue. Apres réflexion,
tout ici est en décrépitude : camions, immeubles ... aucune transversale n'est goudronnée, comment ceci peut-il perdurer ? Les peintures tentent bien de cacher les lézardes, mais tout est dans un
tel état. Je suis heureux de parcourir ce pays en 2007, j'ai au moins à manger même si le choix n'existe pas. J'apprends, comprends, ressens tout ce que le régime communiste a apporté, le bon et
le moins bon. Impressionné par la misère et la poussière de Baranavitchi, grosse ville affreusement laide. Pas gai de vivre ici. Je dors dans la dernière maison de la banlieue qui s'avère être
une école. On m'apporte même des fraises.
Le 12/06, après les aventures, les mésaventures ordinaires. Une bande de jeunes bien informés est venue à la nuit. Le chef pouvait avoir 17 ou 18 ans. Le contact a été rude,
l'affrontement a duré plus d'une heure. Nuit gachée, lunettes de vélo volées, rétro idem, mes 2 bidons d'eau dont une non potable et surtout une estafilade à la tente de 40cm. Contre un groupe on
ne peut pas être partout. Dommage pour la tente qui ne méritait pas cela. Ce matin j'ai la rage et pas d'eau. La chaleur fait rage. Sans exception les villes sont démoralisantes, Stoubcy,
Dzjarzynsk, de véritables tombeaux. La misère est énorme, la population toujours très présente à mes cotés, pour savoir et m'encourager. Bloqué par mon visa russe je ne peux même pas abréger les
journées. Pour l'instant je comprends être le seul touriste et pour un certain temps encore ! Demain Minsk, un espoir dans cette horreur.
Le 13/06, Minsk. Pas vu une maison, que des immeubles. La ville est importante, parfois elle fait peur. Elle est en son centre un miracle du système communiste, la plus
authentique jamais traversée. L artère principale est gigantesque, les immeubles staliniens, la chaleur énorme, les slaves étonnement dévêtues. La ville est partout en travaux, finiront-ils un
jour car les outils sont dans un bien triste état. J ai trouvé la ville étonnante, à ne pas manquer mais elle n'aura pas submergé mon coeur et mes pensées. Je la trouve un peu triste et
poussièreuse comme le reste du pays. Ecrasé par la chaleur, le bruit, le danger, quelques jours sont necessaires pour se faire une opinion définitive. Il faut ressortir du chaudron...
le 13/06. Après le cybercafé de Minsk, sortie de la ville facile mais oh combien périlleuse. Je dors paisiblement à
quelques lieues de Zodzina. J'ai décidé depuis l’agression dans la banlieue de Baranavicy de ne plus faire confiance qu'à mon expérience. Les ours, loups et autres sangliers me font moins de
soucis que l'espèce humaine. La limite entre privé et état est parfois subtile et je m'y perds. Par contre la vétusté de tout ce qui m'entoure est flagrante et mériterait à elle seule un roman.
Ce soir face à mon lit douillet, au loin, un kolkhoze... qui fonctionne enfin qui semble fonctionner car malgré la gratitude de la météo, l'activité semble réduite. A présent, à moi la frontière
mais avant, un peu de repos.
le 14/06. Au programme Barysau et des kilomètres de bitume. Maigre projet. Circulation forte mais pas stressante, avec d'après moi, des camions a 90% vides. Etonnant non ? Je
pense toute cette activité factice sinon comment expliquer l'état de ce pays que je traverse. Pour la journée 2 villes : Smaljavicy et Barysau. Elles attaquent dur mon moral, car elles ne
représentent en rien des cités. Formées de piles d'immeubles en mauvais état, submergées de poussière et au mieux en banlieue une cacophonie de pavillons bien tristes. A part ces cités fantômes,
j'ai traversé la jungle, une forêt qui limite grandement la profondeur de vue. Problème avec la transmission de mon vélo, uniquement 3 vitesses depuis plus
de 1600km, mais depuis aujourd'hui, elle craque méchant et je ne comprends pas pourquoi. Arrêt à Bobr, village du début du siècle... sidérant et mauvais pour la vitalité, la mienne. J'ai dépassé
les 2400km au compteur.
le 15/06. Retour des moustiques, mauvais comme des teignes. Je reprends cette grande route monotone et... Moscow 578km. Rien à dire. 80km de route sans autre élément que la
nature, pas même à manger. Ma carte IGN est pleine d'erreurs qui m'occupent bien la tête. Tout est déjà difficile, alors si la carte donne des signes de lassitude. J'arrive à Orsa pour manger et
surtout boire, boire. A 50 km de la frontière je me risque sur une petite route dans l'espoir de faciliter mon entrée en Russie ... Mon prochain défi !!!
Je vous laisse. Je reprends la route. A bientôt. Croisons les doigts. Marc
Coucou, jamais vu des conditions internet comme ça. Pour les photos c'est rideau en Russie.
Le 16/06. Tout entier tendu vers cette frontière que je crains, je la franchis sans m'arrêter. Pris de remords, je reviens ; 36km de détour... pour rien. Le pauvre gars n'a ni
cachet, ni rien pour valider mon passage. Je repasse à Krasnyj et prends des roubles. Chaleur lourde, vent d'est terrible, pays semblable à la Bièlo mais sans cette impression d'activités non
terminées. Les habitants sont terriblement sympas jusqu'à ce que, surprise, un orage d'enfer me surprenne. Arrêt d'urgence dans le bar d'une station essence. Des trombes d'eau. Que faire, coincé
entre pluie incessante et un futur qui s'assombrit ? 2600 km et bien embêté.
Le 17/06. La solution couchage m'est proposée par le patron. Dans le bar. Sauf que l'on est samedi soir et que jusqu'à 4h, bonjour l'ambiance, la Vodka et la bière ! Les Russes
sont d'une générosité exemplaire mais attention au piège, ma vigilance ne doit pas faiblir. Départ très amical et très fatigué. Smolensk m'ouvre ses portes. L'Avir (bureau de police local) est
fermé, le seul hôtel ne sait pas faire ce papier. Je reprends la route, soucieux. Je roule jusqu'à Jarcevo, ville terriblement déshéritée où toutes les photos ne sont pas à prendre. Fête dans la
communauté russe avec Vodka, bière et musique. Soirée dansante. Dès lors qu'on lui donne un peu de liberté, la vie est superbe, extraordinaire. J'aimerais vous faire entendre... cette Russie que
je vis. Je dors dans le bungalow du patron, mais pas assez longtemps.
Le 18/06. Le patron me mène à l'Ovir, univers de Kafka. L'administration ne peut m'enregistrer, il faut que ce soit fait par un
hôtel. La boucle est bouclée. J'obtiens 2 jours de prolongation de délai, car en plus le délai est de 3 jours ! Pour donner un peu plus de saveur à cette journée bien énervante, je me tape la
seule route disponible, un laminoir routier. Une horreur dont je sors intact ! Les Russes sont de + en + chaleureux, j'allais dire collants, la Russie moins envoûtante grâce à son administration
crispante et bloquante. Après une visite sans intérêt de Safonovo, nuit a V'az'ma. Quel programme !
Le 19/06. Après la chaleur du peuple russe, le statisme et les incohérences de son administration, je me retrouve aux prises avec le service d'état. Extraordinaire ! Et le mot
est faible. Il semble que seule la poste diffuse le service Internet. Une pauvre mamie apeurée par souris et clavier est responsable du système, le moindre problème est insoluble et trépigner ne
sert à rien (je parle de la postière). Comme la journée est mauvaise, je finis mon tronçon d'autoroute. Ereintant, mais Moscou approche. Non enregistré demain, le délai expire. Pas moi. Noyé sous
des flots de papier, ce pays étouffe, ce n'est pas moi qui vais les aider, mais par contre j'en veux à cette paperasse de m'occulter tout ce que je vois, entends et touche. Dommage alors que j'ai
rejoint Uvarouka par Gagarin... Souvenez vous : le premier dans l'espace !
Le 20/06. Cap des 3000 km franchi. Sur l'ancienne nationale qui donne bien du charme à cet itinéraire, mais ma tête est cependant ailleurs. Arrêt à l’Ovir de Mozajsk, pourtant
pas facile à trouver. Le plus haut gradé me reçoit, se démène, pour un résultat somme toute modeste... prolongation de 2 jours. Pas à pas, je retrouve les traces de Napoléon dans sa campagne de
1812 je crois. Mon Moscou à moi sera t'il en feu ? Internet introuvable. Mes problèmes vont me gâcher la partie russe de mon périple. En tout cas ils me prennent beaucoup de temps et d'énergie.
Après je rame. Soudain à 30 km de Moscou, changement de régime, je passe du rural au citadin en l'espace d'une ville : Odincovo. J'y dors, entièrement tendu vers mon rêve : Moscou
!
Le 21/06. Lever à la fraîche. La circulation est démente.
J'entre dans les entrailles du monstre. Seul cycliste, j'évite de lutter contre les autres véhicules. Beaucoup d'immeubles anciens sont insérés dans des constructions actuelles, presque
futuristes. J'entre dans le coeur, mon attention est soutenue, je demande le Kremlin. Il est là, à ma droite. J'y vais, j'explose. J'y suis ! HEUREUX et FIER d'être ici, au but fixé. Je n'avais
pas d'idée sur le bâtiment, la Place Rouge, les églises superbes qui jouxtent cet ensemble. C'est fait, j'ai vu, c'est fort, très fort et remarquable. Ce n'est plus la Russie, mais il faut venir
voir cet enchantement. Absolument.
C'est somptueux. Il faut maintenant rentrer. Voyage dans la ville, je prends la direction de Tver. Une nuit de réflexion s'impose. Pourquoi pas
St-Petersbourg ?
Deux tentatives Internet à Solnecnogorsk avant de trouver un PC qui fonctionne normalement. Les problèmes de langue et de cyrillique sont contraignants, mais je m'habitue doucement. Quelle
journée, Moscou ! Baigné dans le flot des passants, le bruit des voitures, floué par cette géniale capitale que l'on sent vivre, respirer, ébahi par la vitalité de ses artères qui contraste avec
la plénitude de ses parcs, j'ai compris que cette ville énorme était une consommatrice de tout ce qui se fait, se vend, se voit. Un abyme entre le Russe des villes et le Russe des champs.
Admiratif et dépaysé sur la place des Nathalie’s (photo), j'ai moins apprécié la ville, assommante, bruyante, grouillante, trop réservée aux voitures et aux banques. Les Russes ne cachent pas
leur intérêt pour $ et €. Jamais je n'aurais imaginé ce luxe, cette débauche d'argent, de gaz d'échappement. A 3100km, n'hésitez pas à profiter du lieu, il est
magique, mais attention aux charmes du Kremlin ... qu'ils ne vous retiennent pas.
Le 22/06. Toujours pas d'enregistrement. Ce souci m'encombre la tête. A Klin, le seul hôtel ne comprend
même pas ma demande, augmentant en cela mes angoisses. Avec la chaleur, les camions sont enragés et la route infecte. Heureusement, la Volga vient à mon secours et m'accompagne à Tver. Dans notre
élastique Europe, la Volga en est le plus grand fleuve. Un grand hôtel, une hôtesse qui parle français, et enfin... mon enregistrement, la fin de mes tourments. Merveilleux instant, décompression rapide, le retour peut être entrepris.
Le 23/06. Dans le luxe d'une superbe chambre d'hôtel, mauvaise nuit, manque d'air, d'espace, de liberté. Dans ce lieu où tout
s'achète, l'amitié n'est pas à vendre. Je me sens seul et les relations manquent de chaleur. Enfin l'heure du départ, sésame en main, j'en tremble. Mon vélo a disparu. Non, stocké dans un
garage... la peur ! Je traverse la Volga, c'est ici que je quitte ce beau rêve. Dans forêts et marécages, une seule ville : Torzow, 100% russe. Ersatz de centre, immeubles disséminés dans une
nature non contenue, poussière, terre... Une grosse déception. Pour couronner le tout, 50km de route complètement démontée, de ce fait particulièrement dangereuse. Les camions rugissent, sautent,
grognent, cassent. Impressionnant. Jeté 2 fois au fossé, situation éreintante, pas d'itinéraire de délestage ! Survivre est une joie qui me suffit. En zone humide, le couchage n'est pas facile,
je vous laisse imaginer. A partir de demain, je vous parle de la Russie que je côtoie. Promis.
Le 24/06. Seule ville au programme, Vyshniy Volochek. Au coeur des marais, bordant un immense lac, la ville ne manque pas d'intérêt. En ce dimanche j'y découvre les pratiques
orthodoxes. Une longue file de pauvres à la sortie des églises pour recevoir la pièce du BON pratiquant. Je quitte la cité avec de bons sentiments et d'excellents souvenirs. Je roule dans un
paysage aquatique de toute beauté, forêts magnifiques, comme me les présentait mon imaginaire. Sous la neige et dans les brouillards ces lieux doivent être sublimes. La magie des espaces opère,
ce pays m'adopte.
Le 25/06. Après une bonne nuit, je découvre, un point Internet grâce à ma connaissance du cyrillique. Au bord d'un lac, Valday est
une sorte de grand village dans la forêt au bord de l'eau. Avec ses maisons en bois, une sorte de Canada.
A bientôt, plus au Nord je pense.
le 25/06. Reposante bourgade Valday, là où je vous ai laissés. Sa pauvreté affichée correspond bien à mon état
d'esprit de cet instant. Ma journée sera un riche partage entre orages, dur relief et vent contraire efficace autant qu'infernal. Ces conditions équilibrent une journée entamée avec efficacité.
Joies et déception font un bouquet auquel on s'habitue aisément. Je m'approche sans bruit de Novgorod afin de la surprendre demain matin. Ce pays est géant, je le mesure à merveille avec mon
compère vélo, les espaces sont colossaux, les distances énormes. Sur ma route, que de villages en déshérence, de datchas abandonnées, est-ce le vilain bruit des camions, l'attirance des villes
avec eau courante, proximité, travail... ? Les anciens résistent, moi je passe. Si je trouve une homogénéité dans ce pays, la partie Smolensk me paraît moins touristique, plus chasse et
pêche.
le 26/06, Journée Novgorod, sorte de berceau de la Russie. Vent d'enfer et chaussée détruite ne m'empêchent pas de fouler ses rues de mes pieds parfois piétons. Une longue
approche avant d'entreprendre la partie historique. Je me laisse transporter par le charme particulier de cette ville moyenâgeuse. Le détour était impératif, car à lui seul le Kremlin est un chef
d'oeuvre, un témoignage en pleine rénovation, à ne pas manquer. Une grande convivialité me lie à ce lieu, à ces habitants, à ces pierres. J'aime ce côté provincial qui parfume cette journée
d'odeurs printanières. Mon vélo qui me suit comme mon ombre est l'objet de nombreuses interrogations auxquelles je dois répondre, lui pas. C'est étonnant cette faculté qu'a le Russe pour imaginer
que je suis russe ou du moins parlant sa langue. Je reprends la route, rien pour dormir, faute de grive... ce sera parking camions sur macadam et odeur de diesel.
le 27/06. Le Russe est formidable, serviable, avec un coeur grand comme on ne peut imaginer. Celui du parking me propose de dormir dans le mirador. J’accepte et laisse le mazout là en bas. Double chance. A 3h du matin un déluge propre à cette région s'abat sur mon nid. A 9h, il me faut laisser la place, je file... sec. Après 25km, trempé comme un croûton dans sa soupe, je déjeune. La pluie, humide compagne me lâche a Tosno, seule grosse ville de la journée. Son Internet est malade, décidément le service n'est pas un mot à la mode ici. De plus, cette façon de hurler pour répéter une chose que vous ne comprendrez jamais, me révolte silencieusement. Courage, il n'est pas question de vivre ici, alors patience. Client traité vraiment comme un consommateur... seule la personne derrière son comptoir décide. Etrange système. A 30 km de St- Petersbourg, j'espère ce soir une météo clémente car plongé dans les marais, trouver un couchage hors d'eau est un casse-tête.
le 28/06. La providence est là, elle me conduit devant un abri-chalet. Je squatte pour la nuit, je n'aurai pas d'autre chance. Aujourd'hui St-Petersbourg (photos). Magnifique avec ses appâts multiples tentants et délicieux, son histoire écrite dans ses murs, ses rues et monuments, ses influences diverses, multiples mais surtout aux accents de l'Ouest et bien sûr... ses bus entiers et nombreux de touristes venus du monde entier. Que de trésors dans cette ville mais pour le dépaysement c'est raté ! Au royaume de tous les excès, marteau et faucille enterrés, mon extase est visuelle, mon coeur n'est pas atteint. Je suis en quelque sorte dans un faubourg de l'Europe qui lisse et harmonise trop les paysages mais aussi les hommes et surtout leurs manières. Emerveillé par Moscou, la vie me manque à St-Petersbourg, trop de visiteurs peut- être, je ne sens pas battre le coeur de ce monstre qui m'a avalé, mais à coup sûr ni l'une ni l'autre ne reflètent cette Russie si pauvre, ces paysans dont le regard est toujours si triste.
Le 29/06. Superbe lieu, d'où une formidable nuit. Le ciel est au travail depuis plusieurs jours. Période rinçage.
J'espère qu'à trop laver, le bleu ne deviendra pas gris. Je dois filer sans les photos.... A la première occase.
Je viens de franchir le cap des 4000 et suis à 40 km de la frontière russe. Il fait un temps de cochon et même pire.
Depuis le petit village de Varbola où j'ai fait escale pour vous donner des nouvelles, j'ai l'impression que les
choses s'accélèrent. Entre le quotidien, le change, les frontières et les capitales, l'activité ne manque pas. Pédaler devient un loisir, pour prendre les 4700 km au compteur, au départ ce matin.
A présent, à Bauska, je sens comme une frontière s'approcher.
Je reprends donc au 02/07. Depuis le départ, la route est monotone, les villages pas rares... absents. La halte à Varbola nécessite
un détour, la connexion Internet gratuite. A vrai dire, l'aventure me manque, elle m'a fuit à la frontière Russe, je m'en doutais, je le craignais. La rencontre n'est plus ce qu'elle était,
probablement une conformité, l'émotion s'est évanouie, les surprises n'en sont plus, même les soucis ont disparu, mon environnement est devenu gérable ! Par chance le temps est redevenu instable,
très capricieux, il sera mon piment. Ce périple avec le retour en zone Euro s'est transformé en un banal voyage non organisé, presque une sortie familiale. Après une journée de forcing dans un
paysage uniforme, je retrouve enfin la côte Baltique à Pärnu, charmante station qui ne met pas en valeur ses atouts... bien au contraire, c'est peut-être pour cela que je l'ai tant appréciée !
Ici mon attelage fait recette, les contacts se nouent, je partage ma soirée avec un biker allemand et une légion de moustiques en furie. La mer est à nos pieds mais il faut battre en retraite.
Nous discourons jusqu'à la nuit pour rattraper le déficit d une journée cruellement morne et plate. Voyager ou vivre, c'est rencontrer, partager, offrir et recevoir, c'est voir, regarder,
entendre et si le soleil avive les couleurs c'est que le rêve va se briser. Cap plein Sud depuis Tallinn, les nuits rallongent... c'est plus que perceptible.
Le 03/07. Peu de point de repère dans cette journée... je colle à la mer comme mes vêtements à ma peau. Que la direction est plein Sud, que l accessibilité à la Baltique est trop
rare, que la route est bruyante... enfin son trafic et que je passe la frontière avec la plus grande légèreté qui soit. Me voici en Lettonie et débute la comparaison entre les Etats Baltes. Sur
cette journée non palpable. Peut-être est-ce dû à cette route harassante et sans saveur qui en est la raison. Déjà l'Estonie me semble loin et Tallinn le passé. En fin de journée je recolle avec 3 français à vélo dont on m'avait annoncé la présence le matin. Le macadam est un excellent vecteur d'information et de communication. 2
hollandais se joignent à nous... pour la photo ! Lancinante, ennuyeuse, heureusement que cette route charrie de si nombreux et joyeux... randonneurs.
Le 04/07. De fortes pluies nocturnes et matinales restent sans conséquences sur mon équipement. Le soleil revient pour mon entrée à
Riga. Le temps de trouver mes repères, la visite commence. Comme Tallinn, Riga est la ville d'une histoire, d'un passé, d'une vie qui se perpétue dans le temps. Elles sont si différentes que je
ne sais les comparer, étrange pour des pays que je trouve si semblables. Elles ont par contre un taux de tourisme très élevé et un charme particulièrement provocateur. Dans la chaleur, les filles
me semblent bien jolies, mais ma casquette est peut être trop petite et le soleil trop fort. Riga dispose de tous les atouts pour devenir grande mais surtout qu'elle reste ce qu'elle est : une
perle magnifique cachée dans un écrin de verdure. Journée réussie... visuellement ! Grande rigolade avec 2 Polonais (photo) partant pour la Scandinavie. Le temps passe trop vite.
Le 05/07. Je reprends le guidon, à peine refroidi de la veille. Un vent assassin me fait face. Difficile de rouler à 14 et pas sur une heure. Mis bout à bout les kilomètres
s'entassent. Bauska me permet un repos bien mérité. Je vous laisse ici, mon vélo piaffe... enfin je l'espère !
Le 05/07. Tout allait pour le mieux lors de notre dernière communication. C'est en descendant l'escalier
de meunier du cybercafé que la chute a eu lieu... sévère. Pas de casse mais douleurs multiples, surtout au dos probablement comme tous les meuniers. En camping, le dos n'est pas important, je
dormirai sur le ventre ! Je me souviendrai de Bauska qui n'a par ailleurs pas grand intérêt. A 18h après une journée de lutte contre un vent terrible, je franchis enfin la frontière Lituanienne
et la pluie gaiement m'accompagne. Tout ici est extrême, ce qui est également le cas des précipitations. En fin de journée, contrairement à ce que je pensais, je dois admettre que paysages,
habitants et modes de vie sont issus du même moule. Je ne fais pas de différence entre ces Pays Baltes, tout au plus ce dernier est-il un peu plus modèle et un peu moins boisé. Par contre, plein
Sud depuis des centaines de km, je sens, malgré l'abondance de l'humidité, le fond de l'air se réchauffer, je mesure à quel point j'étais très au Nord de mon village, je me fais difficilement à
la tombée de la nuit de plus en plus tôt.
Le 06/07. Que de flotte en soirée et durant la nuit, mais au matin ... silence. Le vent porteur me promène à travers une campagne, au
gré des hameaux, je dirais même des mini fermes avec 2 ou 3 vaches. Je reste étonné par des bus bondés, des hauts talons qui émergent d'un sentier en terre, du nombre de fumeurs, de l'absence de
routes goudronnées, du traitement des déchets (à peine mieux qu'en Russie) et surtout de la "gravitude" des visages. A confirmer dans les jours à venir, mais je regrette également
l'absence de style, d'architecture digne de ce nom en dehors des capitales. En échange, que d'immeubles à la norme qui sévissait avant cette indépendance si chère. A Panevezys, le ciel mauvais
colle à mes trousses. Que d'eau jusqu'à Ukmerge ! J'ignore que ce n'est qu'une mise en bouche. Le déluge me surprend sur l'autoroute. Si si, ici je suis autorisé ! Tous ces dégradés de vert et de
verdure s'expliquent. Sous la pression des flots, je monte ma tente en urgence dans un bois. A 20h, l'eau entre par l'estafilade biélorusse. Panique. Urgence. J'utilise mon pantalon "pluie" pour
stopper l'hémorragie. Je ne peux plus rien faire sinon... dormir. Angoisse. Quel raffut sous la tente. Dans les conditions qui sont miennes à présent, toute action anodine requiert un engagement
et une énergie démente.
Le 07/07. La pluie joue non stop. Je plie mon barda sous les eaux. Pas facile, mais l'emplacement était judicieux, l'inondation
évitée. 22 km, entrée dans Vilnius, trempé... jusqu'à l'os. Je visite à pied pour me réchauffer et m'éviter de la fatigue. Il faut dire que toutes ces villes ne sont que trottoirs très hauts et
escaliers. A vélo, c'est rageant. Prendre des clichés sous la pluie... un exercice. Le tour des centres d'intérêt clos, mon enthousiasme est mitigé, est-ce dû à cette pluie qui me fatigue ? Je
crois surtout qu'on m'en avait trop vanté les charmes, et même si ceux dont elle dispose sont indéniables, son histoire me semble moins marquée, moins présente que celle de ses 2 soeurs. Pour
vivre, elle est probablement géniale, pour découvrir, elle doit être vue avant les autres. Je reprends la route... enfin je veux dire la mer. Les paquets d'eau me fouettent et me glace jusqu'à la
mœlle. Mon compte est bon, je pénètre avec conviction dans un complexe de vacances et m'installe dans un garage libre. La survie est à ce prix.
Le 08/07. Réveil. Rien n'a changé. La journée va être difficile. Je change d'itinéraire et choisis la région des lacs afin,
d'après moi, de bénéficier de plus d'infrastructures. Un vent terrible de face, la violence de l'eau, parfois sous les effets combinés des éléments, je suis en équilibre sur la bête qui, elle, ne
renâcle pas. La région est magnifique mais comment en profiter dans de telles conditions ? Dommage d'être privé de tous les plaisirs qui m'entourent pour me
concentrer sur un seul point : avancer. Dans de tels extrêmes, 50 km sont ma limite. Je clos cette journée terrible à Birstonas et dors chez une vieille dame, trop contente de m'avoir à la
maison. Je profite d'un accueil chaleureux au point Info pour venir vous y conter mes péripéties. Cette soirée va être confortable, mais demain les même conditions sont à prévoir, ces nuages que
je peux saisir de la main lorsque le vent m'en laisse le loisir.
Le Cap des 5000 km est franchi, mais à la vitesse de ces derniers jours, je ne sais pas si je serai parmi vous avant Noël. Les conditions rencontrées sont probablement les plus dures que j'aie eues à connaître, le moral va bien, l'aventure est forte, le plaisir... totalement absent, la débauche d'énergie : géante.
Le 16/07. Les rues de Gorzow où je galope à tout va sont étouffantes, heureusement... pour tout le monde, autochtones inclus. Cette fois la direction "Allemagne" est clairement affichée. Une excellente nouvelle toutefois, la route est toute plate, désespérément plate, je me pince pour y croire. Manquerait plus que le vent cesse ! Je prends plaisir à engranger les km avec un effort minimum. Formidable, cela marche. Je dors rassasié a 20 km de la frontière. Soirée étouffante qui me fait craindre le manque d'eau... potable.
Le 17/07. La Pologne se tarit au rythme de mon pédalage... rageur, comme si j'avais quelque chose à venger. Ce pays m'aura beaucoup plus enthousiasmé que je ne le pensais. Sans aucun souci, j'entre en cette Allemagne qui était autrefois de l'Est. Elle ne présente aucun trait paysager qui puisse faire penser que l'on a changé de nation. De plus la chaleur persiste, le vent également, les côtes se sont délayée dans une nature ici encore bien sauvage. Le gros bouleversement est dans la cohabitation routière. Voici que le respect du cycliste apparaît en meme temps que celui des règles du code de la route. Ceci donne une grande paisibilité au voyageur. A Seelow je fais un arrêt pour m'imprégner des us allemands, comme par exemple les jours de fermeture des magasins d'alimentation ... Pour profiter au mieux demain, je pousse dès ce soir au camping de Berlin. Les adresses données à l'OT de Seelow sont des magasins. Grâce au concours d'un brave cycliste berlinois, je parviens à atteindre le camping ... atomisé par une journée trop chargée.
Le 18/07. Je considère Berlin comme le dernier haut-lieu de ce périple, pas mon dernier point dur ! Réveil difficile, crampes, les séquelles d'hier se rappellent à mon bon souvenir. Plan à la main, j'engage un long combat de rues. La visite est exquise, les plaisirs multiples, le vélo un régal, la chaleur orageuse, les surprises infinies, la fatigue monstre, les repas sautés, la soif incessante, la tour du centre une horreur et les vestiges du mur décevants. Que de travaux de rénovation sur la partie Est, ce qui donne une impression de banlieue a l'Ouest. L'Allemagne fait tout et sait tout faire... en grand. Berlin a travaillé accords et gigantisme, son patrimoine bien moindre que que celui de London ou Paris est largement mis sous les feux. La circulation à vélo est simplement un délice sans risque. Cette ville a été étudiée pour supporter 20M d'habitants, cela se sent. Impressionné par la ville, elle est fatigante par les kilomètres, fascinante par ses charmes, mais attention ici tout me parait énorme, un pari je pense pour entrer en concurrence avec ses 2 grandes rivales, pour moi pari réussi. En fin de journée très longue sortie sur Postdam. Mort, c'est là que je me trompe, pars complètement à l'ouest et me retrouve aujourd'hui à vous écrire de Brandenbourg.
Le 19/07. Après une nuit, moustiques et les limaces font leur grand retour. La chaleur persiste, la promenade sur les pistes est un régal. Les automobilistes locaux sont d'un fair-play incroyable, je crois rêver.
Bonjour, le cap des 6600 est passé, le plus dur est fait. Il fait soleil mais ce n'est pas béton, car des
nuages balayent inlassablement ce ciel jamais vraiment bleu. J'ai pris ce matin un malin plaisir à emprunter les pistes cyclables qui, par moment, m'amusent et à d'autres me font faire du jeu de
piste. Ce matin donc j'ai roulé à travers des champs et des routes que l'eau recouvre. Les 24h de précipitations actives ont eu un effet immédiat. Les crues sont sévères. Arrêt détente et plaisir
à Bamberg. Son tourisme m'étouffe, tellement il est présent... Quel monde !
Mais reprenons.
Le 19/07. Belle ville que Brandenburg, toutes ces étendues d'eau donnent éclat et azur au paysage. C'est ici que ma trajectoire plein
ouest bifurque plein sud. La route est étroite (cela me comble) d'autant que la conduite allemande est irréprochable. Si seulement ce modèle pouvait se développer dans toute l'Europe... Elle
rendrait à la cohabitation des modes de transport un luxe qui me fait rêver. Heureusement qu'il y a tous ces petits bonheurs qui me font oublier que même si la route est encore longue, malgré
tout je rentre et que bientôt je retrouverai confort et habitudes.
Le 20/07. Journée captivante dès l'aube avec le passage de l'Elbe par bac pour découvrir au long de la journée la petite ville de Akem, les délices vertueux de Kothen et la
superbe ville de Halle qui mérite bien plus qu'un détour et davantage qu'une halte, tout cela dans un environnement champêtre de qualité. La culture de l'éolienne est dans cette région
incroyablement développée. 28° à 8 h du matin, la chaleur est trop lourde. Résultat, l'orage me cloue à Weissenfelt en fin de journée. Par chance un Mac Drive m'abrite des trombes d'eau que le
ciel déverse. Il est 19h, il fait presque nuit, ça tombe sévère, la foudre bruyante est une compagne. Comment va se clore cette soirée ?
Le 21/07. Hier la pluie a cessé à la nuit. J'ai eu le temps de monter ma tente. Chance ! Il en faut avec ce temps. Ce matin je suis
entré dans une zone montagneuse qui ressemble de loin aux paysages vosgiens. Les côtes ne me laissent pas de répit, les pourcentages très élevés m'épuisent. Juste récompense à Naumburg, aux
pierres bien nombreuses, aux automobiles interdites. Dans ce calme qui s'accorde au lieu, l'orgue distille ses musiques religieuses ... belle distraction ! A Jena, je croise à nouveau les chemins
pris par Napoléon. Si la bataille fut mémorable, la ville est elle... très quelconque. Weimar manque d'histoire et après tout ce que je vois, je deviens difficile. Sous la pluie, l'inquiétude
climatique me gagne. Le dénivelé reste ardu, l'orage me plonge dessus, incroyable déferlement des eaux. Arrivée maritime à Erfurt qu'aucun mot ne saurait décrire. Tout est à voir et à voir mais
les deux églises côte a côte sur le promontoire sont sans égal. Magique ! Je grogne après mon timing et la pluie qui ne me permettent pas d'apprécier ce lieu à sa juste pointure. La pluie ne me
lâche plus, le climat est idéalement exécrable. Une accalmie pour m'installer !
Le 22/07. Nuit de gala. Après la pluie, orage violent avant la sirène puis enfin les pompiers. Dormir dans ces conditions n'est pas une mince affaire. Au matin, je patauge, le
sol dit stop. Moral bas, comme le ciel. En fin de matinée, la délivrance, enfin un peu de douceur. Partout les terrains sont inondés. Le bitume court sous mes roues et m'entraîne à Arnstadt, très
agréable, Ilmenau beaucoup moins convaincant, Schleusingen un refuge de pierres et d'histoire avant Coburg un puits de mémoire mais bien longue à apprivoiser. Cette journée montagne m'a remis en
forme et donne du tonus. Physiquement au top, j'ai l'envie qui renaît. A Coburg, je retrouve l'Allemagne que je connais, celle où je suis comme dans mon pré derrière la maison. Pour l'instant pas
de différences fondamentales entre les deux parties de l'Allemagne. Mon activité m'empêche de penser au retour qui s'approche !
Hier soir, à 19h, je gravissais ma dernière côte, celle de la rue du Lac à Evette. Devant la maison, un
rituel bien sympathique... un comité d'accueil. Comme chaque fois, cela me fait chaud au coeur et j'apprécie cette occasion de se retrouver, une excellente chute à une aventure ordinaire menée à
son terme. Calicots, rires et embrassades noient ma satisfaction individuelle dans cet élan collectif bien plus important, du moins à mes yeux. Avec plus de 7200 km, le Rêve Russe perdure une
partie de la nuit.
Le 23/07. Après les news, la sortie de Bamberg est une ascension qui tue par sa verticalité. Route peu fréquentée, vent absent, je
frôle mes records de vitesse. Tout s'emballe, 18h45 le ciel noircit, 19h arrêt, 19h15 orage, tente montée et moi... dessous ! 6700 km, je médite sur les manques à venir, fini les urgences
répétées, les paysages, visages et bourgs extraits de l'ombre !
Le 24/07. L'humidité persiste, drôle d'année ! Enfin, pas très drôle ! Entouré par les vignobles, ma confiance renaît, ce ne peut être le vin et l'eau. Le vent me contrarie, les
vallons allemands également, Wurtzburg doit être l'occasion de reprendre un peu de vitalité, dommage que la pluie gâche le séjour et donne un mauvais aperçu du lieu. Dépense d'énergie énorme dans
des conditions qui évoluent peu. Je clos à Mosbach bien péniblement. Cette fin d'aventure ne tournerait-elle pas en en circuit touristique ? Je mélange toutes ces villes parfaitement propres,
re-fabriquées, au patrimoine valorisé.
Le 25/07. On ne change pas une équipe gagnante, vent et bosses persistent. Grosse journée avec en point d'orgue et en fin de
journée... Karlsruhe. Les abords de la ville sont rébarbatifs pour qui circule à vélo, mais une fois la clef trouvée, l'entrée est directe, le coeur offert. J'avais toujours craint d'aborder ces
artères, aujourd'hui ma joie est d'avoir dominé le monstre. Le centre est vivant, grouillant mais peut être par lassitude, par overdose me laisse un sentiment mitigé, je n'ai pas eu le coup de
coeur espéré. En soirée je m'extrais de la bête, fuis sur les berges du Rhin et m'endors... apaisé malgré les hordes de moustiques assoiffés de sang.
Le 26/07. La plaine du Rhin est un terrain propice au vent de face qui s'en donne à coeur joie de contrarier mes efforts. Petit détour par Baden-Baden, ville d'eau enfin...
thermale ! Cette station est superbe, la chaleur lourde, les curistes silencieux, l'atmosphère d'hôpital. Couché sur ma monture, le vent se déchaîne. Voici Kiel, un retour après un passage il y a
2 ans. Rien n'a changé, mais j'évite Strasbourg et surtout sa zone périphérique. Je passe le Rhin, la France... Perdu dans la forêt, 2h de galère pour me sortir du guêpier et retrouver le Rhin à
la nuit. Brève soirée, dommage pour une dernière !
Le 27/07. Départ 6h. Le vent est méritant, il est déjà au boulot. Une attention toute particulière à mon alimentation, Fessenheim, Mulhouse, Belfort. Epuisé après ce raid de 160 km, je retrouve mon point de départ. Ce périple aura été le plus dur mais ma satisfaction plus grande encore. Laissons reposer la tête et le corps quelques jours, pour mesurer, estimer, juger des effets de cette aventure.
(fin)