Les jours s'égrènent rapidement, bien des choses restent à faire avant de refermer sur mes talons une porte du garage ... grinçante. Au loin mon esprit vagabonde mais à mes pieds gisent des sacoches qui ne demandent qu'à s'agripper à Yaka ... le départ approche.
En ce jeudi 14 juin, je profite à ma grande surprise du retour du soleil,pour abandonner la porte du garage à ses gonds ! Quelques ami(e)s de passage participent à ce départ inopiné. La route de Suarce propose de grands espaces de liberté alors que Bâle par la rive allemande distille quelques extases.
Me voici à présent en tête à tête avec le Rhin, un tout autre programme. Je constate une fois de plus l' incompatibilité entre ce réseau et la grande randonnée. Par chance celui de la suisse m' envoie sans heurt à Shaffahausen. Le radweg me donne alors gîte et couvert.
Parcours Suisso-Allemand, tantôt chez l'un, bonjour chez l'autre. Alors que je suppute sur le parcours à choisir, me voici par le fait du hasard, lancé sur la rive allemande du Bodensee. Je n'en aurai aucun regret avec une très belle moisson d'images et des températures caniculaires. Je loge chez Dame Nature, son abondance enivre, ses nuages me soucient.
Ce dimanche 17 Juin charrie une propagande différente ... contacts d' amitié, prairies et rudes contreforts alpins. Trop d'efforts sur des radwegs peu propices à la randonnée me laissent pour mort ... après une agonie enviable.
La Germanie s'est statufiée, les prairies bavaroises me noient dans un océan vert ! L'axe Kempten, Kanbeuren Selongau, Weilheim n'est pas direct mais il m'est imposé par la loi routière.
Le seul grand instant de cette journée est l'orage dantesque subit durant la nuit. un grand souvenir mêlé de peur, faut dire qu'en altitude les sensations sont toujours très fortes. Pour le reste, le contournement Sud de Munich a été sans grandeur si ce n'est une chaleur bestiale, présage à de nouveaux orages.
La pluie laisse place à la moiteur et à nos amis les piquants. Les dénivelés ont perdu leur virulence. Mon objectif est la frontière autrichienne mais il ne faut jurer de rien avec cette chaleur. A 10 km de Salzburg je décide de dormir au camping. Pas encore au centre que déjà la tempête se déchaîne. Situation grave, je me réfugie dans une pension de famille au coeur de la ville ... superbe symphonie !
Sous le soleil, Salzbourg a perdu agressivité et tension d'hier soir sous l'orage démoniaque. La ville infernale et dangereuse de la veille laisse place à une tendre et sage compagne. Entièrement dédiée à Mozart, elle ne saurait me consentir le moindre espace. je lui accorde cependant mes largesses même si intimement je m'attendais à plus de faste, de grandeur ! Le reste de la journée est consacré à de verdoyants plateaux que je préfère à ceux de Bavière mais ... ne serait-ce pas un peu par héritage ? Nuit tempétueuse, route ennuyeuse avant que l'entrée à Linz ne me fasse dresser les cheveux sur la tête ... à la mode iroquoise, parole d'indien. En effet la ville est d'importance, bien plus que mes souvenirs 2006 dans lesquels je patauge pour retrouver mes images. Minute nostalgique sur le Danube. Coincé sur ses rives, mon impatience devient bouillonnement. Trop rapidement, l'injonction à suivre la piste devient insupportable, je galvaude cependant quelques frissons de liberté.
Contre toute attente, nuit pluvieuse et génératrice de régiments de limaces ... glamour ! Le Donauweg redevient rapidement insupportable, je ne m'accommode pas de ce dirigisme doctrinaire de la piste sur l'envie. Je fuis sur St Polten loin du fleuve et de son Radweg. La cure est immédiate et mon sourire de retour. Mon voyage reprend alors son essence, l'harmonie de l'existence me happe, je dors à Judenau ... en Autriche !
Réveil en fanfare à Tulln. En ce dimanche, forte concentration de musiques locales et vêtements d'époque. Belle effervescence dès 9h, j'abandonne les lieux pour franchir une dernière fois avant plusieurs semaines ... ce beau Danube bleu. Après quelques kilomètres sur les bosses des pré-Carpates, l'absence de tourisme, de pub, d'alertes inutiles me concentre sur mon travail, gravir encore et encore des pentes jusqu'à satiété, le contournement de Wien et de Brastislava étant à lui seul une belle promenade. Je dors à Grosskrut contre l'épaule de Tchéquie.
Réveil sous la pression d'un ciel à l'oeil sombre. Il me faut ranger et fuir. J'entre sans frontière à Breclav. J'y change argent contre nourriture et itinéraire qui s'avérera un baume pour le coeur, un supplice pour les cuisses. Repos bienvenu à Uhersky Brod ... drôle de langue.
Un assaut de 20km supplémentaires pour franchir un arête montagneuse, ma récompense sera la Slovaquie et une interminable descente. La banque de Trencin m'apprend que ce pays est à l'Euro !!! Je m'aperçois ensuite que depuis mon dernier passage en 2006 le niveau de vie a explosé, peu différent du notre à présent mais cet Eldorado ne semble pas attirer l'immigration. Ainsi lustré, ce pays n'est d'aucun attrait pour moi ... ni dépaysement ni architecture, ni vestiges soviétiques. La douce vallée imaginée s'avère un abrutissant couloir chargé d'un trafic tonitruant. Quel désastre mais demain ne pourra pas être pire.
Un renard pour la nuit, un soleil pour le jour. Plus vite qu'espéré, les Carpates reprennent vigueur à la sortie du capharnaüm routier de Zilina. La douce montée rend le cheminement agréable. Les murs se chargent peu à peu d'écrits et autres peintures, les tailles peu à peu s'arrondissent. La montagne discrète en matinée gagne en vigueur en fin de journée, Les sommets à plus de 2600 se dressent dans un horizon au menu de demain. Camping à Mikulas après 1400km et 2 semaines de labeur sans grande intensité.
La Slovaquie ... suite et fin
48 km en 8h pour finalement dompter un somptueux décor ... le massif des Tatras, premier haut-lieu de ce périple. Les efforts consentis sont importants,
la route me projetant bien haut ... au pied de la station de ski. Inoubliable également, Vichodna bourgade de montagne chargée de Rom's qui vivent de l'air du temps. Le lieu est sacrement
dépaysant. Après une nuit de repos, nouvelle journée harassante, les Carpates me fatiguent. Par bonheur, Levoca saura interrompre un processus d'usure irrévocable. Presov est l'occasion de me
délasser dans une agréable cité et de me remettre en selle pour quelques km supplémentaires. Le couchage sera royal par sa situation. Pas réveillé par les clameurs de la cité, je rejoins la
grande ville de l'Est du pays par une voie rapide, bruyante et bien sur ... interdite. Matinal au coeur de Kosice, j'en apprécie tous les charmes. Un havre de pureté et de silence dans des
rues d'un calme divin. Le départ signifie montée mais comme je n'ai pas d'autre solution, à quoi bon attendre. Après bien des escalades mortifères sous un soleil de plomb (comme tous les jours),
Michalovce m'ouvre les portes de ses rues désertes. Est-ce du au fait que nous soyons Samedi après-midi ? Le Rom est de plus en plus présent et de plus en plus rejeté par le reste de la
population.
Carpates Ukréniennes
Dimanche 1 Juillet, après un premier refus, passage autorisé à Ubla, 52 km de détour ... L'Ukraine est une rupture totale, plus un seul Rom, des routes
pourries, des flots de voitures Lada dans le même état que les routes, des petits paysans avec de petites parcelles derrière de petites clôtures ... mais attention je suis ici au coeur des
Carpates en pays de montagne. Je dois en effet traverser ce massif, mon itinéraire étant Nord à présent. La nuit sera Carpatéesque ! Que de cyclos aujourd'hui, 6 Tchèques, 2 Ukrainiens et 1 de
Riga. Journée très très dure sur des flancs rebelles et une route sans bitume. Impossible de tenir le 6km/h sur des crêtes brûlantes alors que le manque d'eau s'installe. De bien beaux clichés
mais à quel prix. Sortir de cette montagne s'impose, j'y perds mes forces et mon énergie. Encore bien des km dans un pays où le mode de vie est tellement différent du notre. Ici compte le temps,
le bavardage, l'amitié, les travaux aux champs, la vache et son lait.
Une autre Ukraine
C'est sans prévenir que j'entre à Stary ... un autre pays. Dans la poussière qui forme un nuage opaque, le peuple grouille, s' essouffle, vit. Les
Lada's ne sont plus majoritaires, les nouveaux riches s'exposent. Seule la route est une honte mais 20km plus tard me voici à Sambir ville importante avec tout le confort des villes européennes
mais avec la splendeur de ne pas l'être ... tout est étonnant et surtout mystérieux avec ce cyrillique secret. Le bonheur rôde, la chaleur est infernale, trouver un accès internet ... un casse
tête. L' entrée à L'viv ce matin est une horreur avec en plus les pavés. La journée s' annonce torride.
Entre Lviv et Kviev
Lviv est un véritable coupe gorge avec ses km de pavés indomptables, ses bordures de trottoirs impraticables et ses températures sahariennes ... pour parfaire le cliché je lui trouve un voile de tristesse presque de morosité ... faut dire qu'au centre ville, la place gigantesque est livrée aux chantiers, la coupe du monde est terminée. De crainte de ne jamais revoir mon pays pour cause de routes explosées, je choisis la nationale pour filer vers l'Est. Ce ne sera pas que de la joie !
Les marécages se multiplient, faut dire que la Biélorussie n'est pas très loin. Pays à 2 vitesses tant par ses véhicules que par ses surfaces agricoles, pas de traîne-misère et une sécurité globale supérieure à toutes celles que j'ai eu à connaître. Ce pays est singulier. L'oasis de Rivne a comblé mes besoins de contact mais je ne trouve aucun attrait à ce béton déferlant et surtout mal entretenu. Ce sera contre mon gré le point septentrional de ce circuit.
L'est se déroule sans relâche sur une route de plus en plus brûlante ... 38°. Novohrad ne m'apporte comme toujours que le plaisir de la rencontre ... mais à l' ombre. Ce pays est surprenant, je peine à l'analyser mais la chaleur n'y est pas étrangère.
Voici Dimanche, un jour ordinaire sauf peut-être un peu plus d'activité sur les marchés. A l'aube Zhytomyr me promène bien longtemps avant de me relâcher sur Korostyshi, une visite qui ne s'imposait pas, la selle me le rappelle. Journée longuette mais couchage super.
40 km pour atteindre Kiev ... sous les feux de la rampe. Ville très vallonnée, j'y laisse bien des forces. Le centre est grandiose, il me percute sans prévenir. Un aller-retour sur l'avenue de type soviétique me laisse exsangue. Je songe à prendre la fuite mais soudain les locaux interviennent et finalement me guident en auberge de jeunesse. Calme, bonheur et abandon. Mon stage ici sera dicté par ma tête et le goût à Yaka. Je m'inquiète car à présent le Sud m'attend, sera-ce supportable ?
Moi qui imaginais un pays en retard sur notre Europe ... quelle surprise ... et en plus l'habitant sympa est terriblement sécure ! Reste la température !!!
De Kiev à Dnipropetrovsk
10 jours de délai pour obtenir le pass pour la zone interdite de Tchernobyl ... je pars demain ce qui n'était pas prévu.
Au petit matin, lutte furieuse pour m'extraire de la capitale qui me laisse un excellent souvenir architectural, d'autant que rien ne le laissait prévoir. Le cyrillique est à présent généralisé, mais le gap le plus important à franchir et celui entre le faste européen d'hier et les sommaires réalités du jour. A ce jeu mon moral est durement éprouvé.
Avec l'éloignement du phare (Kiev) tout s'aggrave, la route qui n'a rien d'une nationale, les paysages qui ne savent se renouveler culture, culture, culture et quelques rares bourgades sans teint. Reste la bière et le local ! Avec plus d' acuité encore, je ressens les liens qui lient ces hommes ... Patrie, religion, famille et ce, dès que les régions sont pauvres. A ma grande surprise, un mémorial Lénine est érigé dans de très nombreuses communes qui associé aux intérieurs admirables des églises orthodoxes donnent aux lieux 2 raisons de briller ! Smila et Kamianka m'ont insufflé une bouffée d'énergie. Dans chaque ville ou village, il suffit de poser le pied au sol pour immédiatement faire ami-ami avec le curieux le plus proche. Je me demande devant tant de ferveur si je ne suis pas le premier étranger à fouler ces terres qui plus est ... à vélo ?
L'agglomération de Znamianska n'a rien de grandiose mais ses rues me permettent une pause avec l' infâme bitume qui prend la tête plus que les jambes. Durant cette relaxation, je décide que c'est assez, je laisse ma place à d'autres (même si je n'ai encore vu personne). Je vais modifier ma trajectoire et la raccourcir, je ne tiens pas à me faire tailler un costume en sapin. Jamais je n'ai vu un réseau routier aussi dangereux. A Oleksandria, découverte d'une vraie ville avec trottoirs, rues, vitrines et magasins ... une agréable normalité.
En ce dimanche 15 Juillet et mes 3000km, tout ce qui précède se confirme. Ce peuple est d'un accueil équivalent à celui de la Turquie. Je profite au maximum de tous ces instants chipés au présent pour en apprécier la rondeur. Entre 2 tranches de macadam indigeste, une grosse couche de chocolat à tartiner. Même pas honte.
Arrivée matinale à Dnipropetrovsk, imprononçable mais vivante. Interdiction de garer mon vélo dans tout l'espace commercial !!! Je demande des explications et récolte la colère des gardes ... encore une incongruité. La visite étant terminée, Je file plein Sud, une nouvelle page va s'écrire.
De Dnipropetrovs'k à Simferopol
J'ai aimé cette gaieté émanant du trottoir de Dnipropetrovs'k ainsi que cette candeur répétée du tram à travers les allées du parc central. Il me faut cependant me séparer de toutes ces douceurs, le reste des heures me porte vers des espaces plus solitaires. Durant la nuit, belle frayeur avec la violence d'un orage en quête de revanche.
La seule ville du jour, hameaux inclus fut Zaporizhzhia jumelée à Belfort ... une laideur sans fin ce qui m'a permis de bien en profiter. Le reste ne fut que pentes ... peu favorables ! et réflexions peu porteuses.
60km d'indécision et d'incarcération routière avant Melipotol ... une louche de miel. Je décide ici de poursuivre vers la Crimée pour ne pas avoir à le regretter. Le danger sera fort, les ravitaillements peu nombreux et le plaisir s'il en a, à ce prix.
Depuis une centaine de km que nous flirtons ensemble sans même nous être encore nous être entrevus, voici qu'en ce jeudi 19 juillet soudainement l'inespérée se dévoile ... la mer d'Azov. Un grand bonheur et beaucoup de soulagement. La rencontre a eu lieu. Durant ces instants, mon esprit s'égare, je reconnais à l'aventure la force de certains instants. Terre et mer s'imbriquent et se mélangent, un puzzle géant me regarde, le passage en Crimée est une sorte de rêve éveillé. Pris par les éléments, je pédale sur un autre univers dont l'histoire est celle que nous connaissons tous. Une bien belle journée de près de 140 km.
La route pour la capitale de cette province autonome qu'est la Crimée n'est pas un billard ou alors en triste état le jouet. Plusieurs anicroches avec les chauffards locaux avant de me rendre compte d'une fuite à l'arrière. Simferopol est une grande déception, ce n'est qu'une ville sans aucun intérêt mais très bruyante, encombrée et agitée. Je répare la crevaison (2chambres seront nécessaires), change des devises locales en euros !! et utilise le WIFI de la poste. Journée bien remplie.
De Simferopol à Odessa ou les ultimes soubresauts d'une Ukraine surprenante.
Une carte minable me pousse à perdre 2h pour sortir de cette capitale de campagne, une vengeance de Simferopol en réponse à mes commentaires peu flatteurs. Au camp du soir, récapituler toutes les actions de cette journée me laisse ébahi ... incroyable énergie !
Le remontée de la Crimée « plein Nord » a perdu la passion initiale, après les feux de l'excitation, voici l'heure de les alimenter en charbon, travail laborieux comme l'est cet axe mal chaussé ! A midi, je quitte la Crimée, vivant ... une performance dans un tel contexte. D'après mes sensations, cette province semble être la plus pauvre de ce pays mais c'est elle qui draine l'ensemble du tourisme d'où cette circulation forcenée formatrice d'un grand nombre d' apprentis assassins. Par 3 fois je serai jeté au talus par plus forts que moi. Le bitume est lui dans un état impossible à décrire car depuis longtemps étranger aux standards français.
La nuit dans le sable et les pins n'a pas transformé le bitume Secoué sans arrêt, la selle doit-être de grande qualité et les fesses d'un cuir haut de gamme pour supporter un tel régime. Malgré un terrible vent de travers, j'ai passé de nombreuses heures dans les rues attractives de Micolaiv et dans l'atelier du vélociste local. Yaka retapé semble parfait à présent.
Encore une journée étuve donc éprouvante. Rencontre à mi-course avec mon 1° randonneur ... allemand. Ce sera le seul point positif de ce mardi écrasé par trop de chaleur. Le village dans lequel je voulais me restaurer n'existe pas, je le remplacerai par une station essence !
Matinal pour éviter les étouffements dans Odessa, 22km de banlieue me laminent et me repeignent ... des nuages de poussière noire et de sable léger rendent mon apparence lunaire. Le port n'en finit pas mais son accès m'est interdit. Le centre enfin, il faut y monter, j'y laisse mes dernières eaux d'autant que des sections pavées secouent porteur et porté. Ma déception est à la hauteur de mes attentes ... peut-être que le soleil est trop fort. Je pars à la conquête d'un hôtel ... encore un défi dans cette ville totalement étrangère, bouillonnante et brûlante ... contrat rempli je peux alors prendre un peu de repos, la nuit n'a plus d'urgence.
Globalement l'Ukraine est aux antipodes de ce que j'imaginais. L'aventure permet de confronter ses images et celles de la réalité. Kiev ne ressemble en rien à son pays, l'activité y été intense. Pour le reste je n'ai croisé que très peu d'industries, c'est un pays agricole. Le peuple de type slave est très homogène sur l'ensemble du territoire d'autant que l'immigration semble absente. J'ai trouvé un grand mélange entre Russes, Biélorusses, Ukrainiens et même Moldaves. Je pense que la langue est vecteur de rapprochement (Je n'avais jamais noté cela dans ces autres pays mais celui-ci est le plus au Sud et avec les vacances ...) Le point qui m'interpelle est celui des revenus, car nombreux sont ceux qui ne travaillent pas alors que tous consomment ... eau, pain, bus, bière, légumes ... Un point à éclaircir, l'hiver m'en donnera l'occasion. A présent, la sortie de la ville et dans la foulée celle du territoire ... mais ce n'est pas au programme du jour
En fin d'après-midi j'ai pris d'assaut le centre de la cité (j'habite à 2 pas) pour peaufiner mon opinion sur la ville. Ville très européenne, elle manque cependant d'harmonie architecturale et de cet espace propre aux villes soviétiques. Je prends du plaisir en ce lieu et probablement y ferai garnison demain encore. De ce pays totalement sécure, je garderai des impressions mitigées... si du moins la frontière ne me réserve pas de mauvaises surprises.
Des faubourgs d'Odessa à ceux de Chisinau, une frontière.
Une sortie matinale d'Odessa pour éviter les fous du volant n'interdit en rien 80 km d'Ukraine longs à mourir. L'intérêt se réveille sur la route frontalière avec 2 passages fictifs ... bien des paperasses sans aucun intérêt. La véritable frontière malgré des files considérables de véhicules est confortable ... dernier arrivé, premier passé. Pour mes premières inspirations Moldaves, la disparition du cyrillique est un bol de liberté. Petit pays mais grandes cultures, rares sont les villages et les points de ravitaillement, la température variant entre 39 et 40°.
Ma première nuit sur ce territoire est bien agréable en bordure d'un champ de maïs nain. Peu à peu ce plat pays se vallonne. Dans l'un de ces creux, je découvre un bien agréable outil, la ville de Causeni à laquelle j'accorde ma pause. Des habitants délicieux dans un espace vivant, convivial et brûlant. La nuit n'en sera que meilleure d'autant que la sécurité me semble parfaite et que le fort vent d'Est a bien usé ma résistance.
En ce dimanche 29 Juillet et 4200km dans le tiroir caisse, j'entre par une vicinale infecte dans la capitale de Moldavie. Déjà l'air est brûlant, le maillot trempé. Après le centre, l'hôtel, je décide d'y rester. Chisinau doit à présent me dévoiler ses secrets.
Je trouve les Moldaves très proches des Ukrainiens. A l'approche de la capitale la mixité se développe avec appétit, Chisinau est un creuset des différentes cultures locales mais sans le moindre choc. Russes, moldaves, ukrainiens, roumains et même bulgares s'y ébattent dans la plus grande torpeur.
J'ai évité une entrée par la Transnistrie de peur que celle-ci soit internationale et me soit refusée. Le risque d'un aller/retour de 160km m'a rebuté. Aujourd'hui, si je veux aller à Tiraspol il me faudra faire l'aller contre un vent d'enfer. Je ne m'en sens pas le courage. J'en suis déçu mais j'ai encore du temps pour changer d'avis ... visiter un pays qui n'existe pas !!! Je dois avouer que les conditions climatiques m'imposent le calcul et surtout la sobriété dans l'effort.
Je suis je crois dans le pays idéal avec la sécurité et l'amour de la France. Lors d'une manifestation ce matin, on m'a demandé une participation de 20€ pour les photos puis lorsque ma qualité de français fut révélée, je fus invité à participer gracieusement à la fête ... mais un journaliste espagnol s'était déjà saisi de moi. Pantin au pays des fantômes.
C'est chargé en 3 jours !!
Visite de Chisinau
Cette capitale de taille humaine est terriblement captivante. Son immense parlement, sa place centrale démesurée, ses parcs reposants, ses rues ombragées, sa cathédrale écrasée par son environnement, je découvre tout cela avec appétit. Ce pays a tout pour enchanter, il est en devenir même si mon égoïsme naturel rêve d'une conservation des équilibres actuels. Je comprends également cet enthousiasme européen ... il y a tant de business à faire ici. La Moldavie explose, bientôt plus rien ne rappellera le présent sauf probablement ... la poussière. A visiter ce matin comme le font déjà de si nombreux touristes.
Une décision de dernière minute ... la TRANSNISTIE
Après l'orage impressionnant d'hier, je décide de reporter mon départ d'un jour car je suis bien ici et ma décision concernant la Transnistrie est dure à prendre.
Craignant d'être refoulé à la frontière à vélo et de faire 150 km pour rien, j'imagine à 9h la solution bus. A 10h je suis à la « bus station », à 10h05 le bus bondé démarre (2€ pour 80km), à midi je débarque à Tiraspol. Je ne parlerai pas des frayeurs routières trop nombreuses, des peurs et inquiétudes pour une aventure dominante. Une visite pédestre sportive m'apporte une immense satisfaction ... celle d'avoir réalisé cet appendice essentiel pour moi car après les défections de Tchernobyl puis de Yalta, ce contre-temps m'aurait probablement affecté. Un seul regret l'absence de Yaka mon fidèle compagnon mais il faut parfois accepter les compromis. De retour au camp, ma joie est telle qu'elle est difficilement contrôlable, la journée .. géante. Juste un mot sur ce pays et sa capitale. Cyrillique de retour, danger inexistant contrairement à tout ce que l'on peut lire sur internet et entendre dans les cafés, une existence fantomatique qui complète à merveille un voyage dans l'irréel. Tout cela est bien grand, j'en redemande.
Du coeur de Chisinau au désert de Baia
Après la journée Tir...Aspoléonienne, ce 1 Août ne pouvait être que fade ... et cependant le parcours y a mis du sien pour être prenant. 40km de bagarre fascinante dont 10 sur une route dantesque, je veux dire impraticable. Après cette entrée, 60 km de plateaux à la végétation rase entre Hancesti et Leova ... mais comment peut-on générer le moindre revenu sur des terres aussi ingrates ? Une bien belle journée sous un ciel ourlé de mauve.
Journée 100% frontière. Cahul inondée de boues (extraordinaire) par l'orage matinal est une excellente fin à cet épisode moldave dont je garderai un si poignant souvenir. Côté UE, la similitude est grande mais pas forcément à notre avantage, du moins sur les critères de mon quotidien. Serait-ce les tailles respectives de ces états qui expliquent cette sensation ? J'ajoute que le côté slave tranche avec l'esprit latin de la Roumanie totalement semblable à celle du Danube 2006.
Me voici à Galati ... mauvaise surprise, mes 1000 leis moldaves ne sont pas convertibles. Merci à l'union dont je ne cesse de critiquer son centralisme soviétique. Aller/retour en Moldavie (Ils sont adorables) pour la bagatelle de 30km. Soucis évacués, Galati m'est plus agréable. Je trouve même un semblant architectural aux édifices mais une grande perte de vie, d'animation et de pagaye en regard aux pays fraîchement quittés. Je traverse le Danube en bac et mes souvenirs à la pelle. Je longe alors le fleuve par son Sud. Une grande désillusion, ce parcours n'est contrairement à mes illusions qu'un immense champ de guerre sur lequel je m'épuise.
Journée Turcea avec une première partie très fatigante, une seconde décevante (j'attendais une ville un peu moins touristique, un peu plus digne de son statut d'entrée dans le Parc Naturel du Delta du Danube), une dernière superbe dans les immensités presque vides de plateaux surplombant d'autres immensités ... aquatiques. En fin de journée, l'absence totale de végétation me fait choisir un hôtel pourri dans lequel le WIFI fonctionne qui plus est sans password. Un bon point pour ce taudis.
De Baia la désertique à l'insolite Vénus (voyage à travers la galaxie)
7h :Démontage d'une serrure afin de libérer Yaka. En Roumanie tout existe mais rien n'est véritablement terminé. J'attaque cet impitoyable « Meseta » avec énergie. A peine le temps d'y prendre goût que la route se transforme en piste empierrée sur des dizaines de km. Le mental est aux abois. Pas un seul point d'eau en 54km ... la soif est terrible par cette chaleur. Cette étape est probablement la pire, elle ne m'apporte rien si ce n'est le dépassement de soi. je me dévie sur Navodari par des chemins totalement défoncés. Des chalets pour touristes sont en cours d'installation. J'en obtiens un en larmoyant un peu mais après une telle épopée !
Pour récupérer de la dure punition d'hier, je négocie de rester encore aujourd'hui. Je suis à 5km de Mamaia, un des hauts lieux de la Mer Noire. Journée repos et surtout réflexion d'autant que ma tente me pose un gros souci et que sans elle !!!
20° à 6h, l'hiver non ? Voici déjà Mamaia, ce qui se fait de mieux pour des vacances réussies. Je découvre à droite le lac, à gauche la Marea Neagra. Victoire ! et déception. La tête prend plein soleil, les pieds ... l'eau. Faudrait me payer des fortunes dont je ne saurais quoi faire pour passer une semaine dans cette usine. La route me mène à Constanta sans aucune valeur historique ou architecturale. J'avais largement occulté cette agglomération en 2006 par défaut de jeunesse, mais cette fois je m'en gave jusquà plus faim ni soif. Une route terriblement dangereuse habite mon quotidien. Par défaut, je campe à Vénus dans la Galaxie de Mangolia ... héros du futur ??? Je rêve debout mais la vie est belle ... surtout lorsqu'elle vous pousse hors de vos limites.
Ajout de Mercredi 08 Août (De Venus à Zlatni en Bulgarie)
Le ciel est encombré ce qui me motive à partir. Mangolia est d'une tristesse profonde, la frontière proche. Je pénètre dans le dixième pays de ce périple infernal : la Bulgarie. Une route idéale, un paysage totalement absent. Par le hasard de la soif, je découvre Kavarna, une ville aux espaces gigantesques. J'y fais mon midi. Ce pays doit-être très peu habité car entre 2 hameaux, bonjour les km. Rares sont les contacts avec la Cerno More (le nom d'ici) mais nombreux sont ceux avec les nymphes qui habitent les espaces boisés. Souriantes, avenantes, trop peu vêtues, elles sont d'après moi les anges gardiennes de ces lieux. J'en conserverai un très chaleureux souvenir. Une mauvaise indication m'envoie dans la montagne, j'en paye le tribut avec un col interminable dans la fournaise et un détour de 40km. Après bien des vicissitudes, je me pose tel une fleur fanée à Zlatni dénommée « Les sables d'or ». Une bien belle excursion ponctuée par un bel effort et un kilométrage démentiel. La vie n'est qu'une suite de plaisirs qu'il faut étaler afin de profiter de tous.
Avec la chaleur, mon repas tiré des valises ne devait pas être de toute fraîcheur ... malade toute la nuit, pas de vélo aujourd'hui. 2 jours à Zlatni, un emploi du temps improvisé mais sans surprise.
Des plages des Sables d'Or aux plaines Uzunköprü
Soirée sympa avec 2 routards « français » partis pour de longues aventures cyclistes. Matinal je réveille la tendre Varna non encore fanée par le soleil de l'été. Je la découvre fort différente de mes souvenirs 2006, je pense l'avoir un peu manquée à l'époque. Après plusieurs heures de bien-être, j'abandonne la lascive et me précipite plein sud sur une route trop étroite pour la circulation qu'elle supporte, trop physique pour mes petits moyens, trop nulle par les stations balnéaires qu'elle me fait visiter. La consommation vivrait-elle du mauvais goût et de l'autoroute des habitudes ? Soirée en altitude même si celle-ci est relative.
Nuit paisible sur une plate-forme sinistre donnant droit à un panorama sublime. Journée peu distrayante si j'exclus Burgas, ville dans laquelle je me répands avec plaisir même si l'architecture bulgare manque un peu de fraîcheur. L'après-midi avance, la côte patiente, je m'élance oh misère, sur une autoroute, probablement le couloir de la mort si je me réfère à mon expérience. Cette éternité de 20 km me mène à Sozospol, une station pour moi totalement insupportable. Tout ici concoure à me rendre la vie impossible.
Encore un peu de littoral avant de faire mes adieux définitifs à la Mer Noire à Tsarevo. Je bifurque alors plein Sud vers la montagne, aujourd'hui imprégnée par les orages. Le pire calvaire répertorié se réalise alors, des essaims de moucherons dans lesquels se glissent d'autres vengeurs piquants me pourrissent la vie au point de ne plus voir ni respirer. Lorsque la brise est contraire, j'assiste à mon enterrement que je mène et qu'un long cortège indiscipliné vêtu de noir fait mine de me suivre. Je dors contre la frontière turque épuisé par une étape trop dure. Les 6 postes de contrôle de la frontière sont passés au même titre que ce dimanche et plus de 5000km.
Les routes sont ici des autoroutes. J'en mange mon bob mais la qualité du bitume n'enlève en rien la difficulté. Les habitations sont superbes, depuis la Tchéquie, j'avais un peu oublié que c'était possible. L'arrêt à Kirklareli me met aux prises avec l'âme Turque. Rien n'a changé, tout est vivant, gai, convivial ... que de bonnes choses quoi ! Les dons sont plus importants que les achats ce qui me met mal à l'aise ... alors pourquoi accepter ... parce que j'en ai besoin. A Babaeski, ville de moindre importance, le phénomène se répète ... le Turc est irrémédiablement bon. Couchage avec superbe vue sur l'Est mais sur des chaumes peu protectrices.
Réveil avec le soleil, nous sommes mardi 14 Août. Encore quelques pentes usantes avant Havsa où je déjeune. Plein sud dans une sorte de plateau désertique. 2 hameaux accompagnent cette matinée avant Uzunkopru où la gentillesse des locaux me submerge à nouveau. La chaleur est à nouveau forte, l'épisode orageux terminé, ma descente plein sud continue ...
quelle chute.
Des plateaux arides de la Turquie Européenne aux rivages enchanteurs d'Izmir
Uzunkopru après le cybercafe WIFI (une première pour moi) m'offre encore de bien belles rencontres. Dans cette partie occidentale, le modèle turc n'est en rien comparable à celui véhiculé par nos outils de communication. Je profite donc un maximum de la candeur et naïveté de mes interlocuteurs pour plonger dans un quotidien que personnellement je trouverais trop routinier. En tant que voyageur, j'adore l'activité débordante des zones d'ombre. Après une trotte épuisante par la répétition d' ascensions à 10% sous un soleil de plomb, je clos dans un hôtel à Kesan. Il est 18H30, bien trop tard pour visiter, manger et dormir, d'autant qu'il est ici des flammes que j'aimerais ranimer.
Prix négocié mais chambre habitée ... vivement la tente. Au matin, Yaka est toujours là, Kesan identique à celui que j'étais venu revoir, sauf que le second regard n'a plus la même naïveté que le précédent. Après une interminable ascension, je lève le voile sur la Mer Egée qui reste pour moi synonyme de Grèce. A peine effleurée qu'une ligne de crête laborieusement avalée, me l'enlève. Je plonge sur Gelibolu, très agréable petit port typiquement turc. Embarquement pour traverser les Dardanelles ... gratuit ! Me voici à présent en Asie, le bouleversement n'est pas intense peut-être parce qu'elle est Mineure. Soirée complète à Yapildak, petit village de montagne aux us bien établis. Plutôt que de succomber au charme des Dardanelles, c'est celui du sommeil qui l'emporte.
Au matin j'accompagne cette frontière intercontinentale jusqu'à Cannacale et son détroit. Ville riche, elle est totalement Européenne. Cette escale sera le seul bon moment d'un 16 Août insipide même si j'ai beaucoup misé sur Troie et son cheval ! Route au revêtement pénible, l'esprit turc reste celui que j'aime. Nuit en pinède.
Après une nuit frisquette due à une altitude que je ne soupçonnais pas, je dévisse sur un somptueux décor ... celui de la Mer Egée. Sur des plages sans grand intérêt, un monstrueux vent de face tente de m'interdire l'accès à Edremit. Il n'y parviendra pas, mon obstination étant la plus forte. EN fond de la baie, un demi-tour m'expose au vent dans le dos ... je m'envole jusqu'à Gomeç fief des oliviers et de son huile. Pour un 17 Août, peu de vacanciers et pour la Turquie peu de fichus sur les têtes mais en revanche ... quel relief !
Eole travaille tel un forcené depuis 48h, je pense ce littoral habitué à un tel courant d'air. La Mer souvent cachée fait de fugitives apparitions à l'exception d'Aliaga où elle fait preuve de largesse. Des tonnes d'efforts émoussent ma vitalité mais les paysages qui défilent sont source de combustible. Et le pays là-dedans ? Au top sur les nouvelles technologies, il l'est également sur la destruction du monde originel. Casser, briser, salir est un point fort de cet état, ne pas clore un chantier y est culturel.
Nuit dans un champ, pas trop rassuré car un paysan m'a repéré mais gardé par 4 fauves affamés. 50 km pour Izmir où j'avais prévu de dormir. La configuration ne s'y prête pas. La promenade en front de mer est magnifique, la ville à voir mais son gigantisme est effrayant. Retrouver la sortie est complexe mais après 2h à tourner en rond, le verrou est ouvert, la liberté retrouvée. Je dors à Torbali, la tête dans les étoiles que l'hôtel que j'occupe n'aura jamais.
De l'hôtel de rêve de Torbali à celui d'Acipayam dans le massif d'Esler Dagi
La nuit se clôt avec un vacarme d'enfer, une voiture gît sur le rond point, elle ne l'a pas vu et ne repartira pas car avec les bordures hautes de 50cm ... Journée très chaude, j'évite toutes les villes d'importance jusqu'à Aydin. Elles ne m'apportent rien sinon fatigue et abrutissement. Faut dire également que tous les coeurs de cités sont pour moi absolument interchangeables en l'absence d'architecture, de monuments, d'édfices, de places ... J'aime les ambiances mais même elles, pêchent par similitude. Je quitte le littoral pour les plaines intérieures. Un col épuisant en est le droit d'entrée puis le vent facial reprend ses mauvaises habitudes. A Umurlu je me glisse dans dans la population locale pour mon festin du soir. Un bel instant de convivialité.
Les Turcs irriguent comme ils construisent ... dans l'excès. Il était temps que je plie la tente sous peine de noyade. Je remonte à présent une très large vallée principalement fructicole, une purge de monotonie qu'une montagne attractive ne parvient pas à égayer. Repas à Saraykoy avec un vin si infect que je dois le jeter. Mon compagnon du jour, ce vent retors, m'incite à quelques précautions pour la nuit sous peine de mauvaises surprises.
Camping idéal sans eau ni vent. La montée sur Denizli en est véritablement une mais il n'y a pas de surprise, les cimes face à moi ne laissent aucun suspens .. la montagne est là. Longue mise en condition pour atteindre un premier palier après quoi, les pentes se durcissent. J'éprouve grand plaisir à me battre sur ces reliefs ascétiques qui ne laissent pas de répit mais de très grosses impressions. Le Kazikbeli Geçidi et ses 1250m sont vaincus vers 13h. Enfin des raisons de se battre. La descente est amortie par le vent, un hôtel surgit à Acipayam ... je l'aide à survivre.
De l'aridité montagnarde de Acipayan à l'eau qui me sépare de Chypre
Enfermé dans l'hôtel à 7h du matin, je finis par réveiller le patron. Journée d'altitude avec un col à 1460m que je prends grand plaisir à gravir puis surprise agréable, une somptueuse ligne de crête de plus de 40km. Repas royal d'une Turquie qui me propose ses plus beaux joyaux, ma journée préférée de ce projet qui recèle en plus des accents « western ». J'en redemande même si d'autres réclameraient au moins un hameau, en 100km je n'ai pas vu âme qui vive.
Nuit froide dûe aux 1300m du bivouac. Descente démente sur Korkuli pas encore réveillée à l'heure où je la cueille. Cette ultime étape de montagne avec col à 1000m sera servie un Vendredi. La longue et parfois abrupte pente me mène aux faubourgs puis au coeur d'Antalya, ville connue de tous les touristes. Ses falaises sont remarquables, son arrière-plan montagneux splendide, sa marina bien cachée et tout autant sympathique, son bazar si chaleureux que j'ai bien cru ne jamais en sortir ... que de bons instants sous une chaleur fondante, un laisser-aller mérité.
La liaison Antalya Analya me semblait devoir être un régal, ce fut en fait une purge. Hôtels de luxe, villégiatures bourgeoises, rien à dire, rien à voir ... une horreur et à vélo, c'est long. Pour éviter une page vierge, je me dévie sur Side, cité antique superbe ... que de pierres mais quel site qui de plus surplombe la Mer Méditerranée. Inoubliable. Je clos cette étape marathon à 10km d'Alania pour être à 7h au port, le ferry n'attend pas.
Réveil 4h, arrivée sur le port à l'heure ... tout dort encore. Le problème avec les Turcs c'est qu'ils affirment alors qu'ils ne savent pas. Sur ce coup je n'ai pas eu le temps de corroborer la réponse. Pas grave, mon ferry en ce Dimanche fonctionne, c'est le plus important, il est à 14h30. L'attente sera longue, la chaleur bestiale mais heureusement la ville loin d'être laide. Je la connais à présent. Départ pour Girne (Chypre) dans quelques instants, la Mer m'attend.
De la Chypre Turque à la Chypre Grecque
Le catamaran file sur l'écume des vagues comme l'ange sur les nuages. Il mettra cependant plus des 3 heures annoncées. Débarqué à Girne à 19h,je dispose d'une heure avant la nuit. Les présentations seront abrégées et la sortie à 10%, un sacré souvenir !!! Rude accueil.
Couchage dans l'ascension infernale qui protège Girne. En nage et dans la nuit, je monte la tente et y invite une araignée boxeuse au vu du résultat. Malgré cet incident, ma forme est étincelante, mon odeur ... délicate. j'évite Lefkosa (Nicosie) pas sa banlieue poussiéreuse, pour rejoindre à plus de 60km de là, Famagusta. Ce lieu est terriblement convaincant par son passé et même son présent, à tel point que je choisis d'y dormir, qui plus est dans une guesthouse. Mes humeurs sont versatiles, hier encore je pestais contre cette île et à présent, je siffle comme un pinson ... la vie est si belle que j'en reprendrais bien encore un peu.
La nuit a été chaude malgré un ventilateur travailleur. Je m'échappe du four aux premières lueurs du jour pour constater après plusieurs interviews que l'itinéraire envisagé emprunte une route fermée pour cause de territoire revendiqué par le Nord et le Sud. Retour conventionnel sur Lefkosa, elle aussi séparée. Stupéfaction, la partie turque n'est en rien une capitale, son centre se résume à une pauvre et minuscule place. Plus loin un faux vrai souk attire des files de touristes et permet le passage en secteur grec (par des rues piétonnes !!). Me voici donc en zone Euro. Après avoir sillonné l'autre face de Nicosie, force est de constater que le changement de monnaie n'a rien magnifié. Je suis anéanti par la nullité des lieux, dire que des des gens se déplacent pour cela ... et j'en suis. Je prends le temps de noter que de nombreux commerces sont fermés ce qui n'améliore pas mas sinistrose. Je fuis ce double rendez_vous manqué par une route rebelle ... le retour à l'Europe n'est pas convaincant.
Bon point pour ce pays, la création d'autoroutes doublant les nationales ôte tout trafic sur ces dernières. La route m'appartient mais bon sang qu'elle est tourmentée jusqu'à Lemesos, son port et son éventuel bateau de croisière pour Haïfa et Israel. Cette liaison avait du plomb dans l'aile depuis plusieurs jours mais contrarier les évidences est aussi un jeu auquel j'aime jouer. Cette fois j'ai perdu ... à l'impossible nul n'est tenu. Rien n'était comme je l'avais souhaité, jusqu'à la ville elle-même, un lieu où il aurait fallu me payer cher pour venir et où je suis venu pour rien. Retour sur la côte sud de l'île en regrettant convivialité, curiosité, humanité, contact oubliés à la frontière.
En surplomb de la mer, ma nuit est dominée par le bruit des véhicules sur l'autoroute, triste film. Route du littoral agréable je rejoins Larnaca (non tout n'est pas noir). La ville est prise entre lac et mer. Contrairement à ce que je craignais, le lieu ne m'est pas hostile, j'y éprouve même du plaisir. Je suis en vacances en Europe, il ne faut pas vouloir autre chose que ce que mes Euros m'offrent, nous vivons dans un drôle de monde ! Heureusement que Larnaca n'est pas l'enfer, pas d'avion avant Samedi ... je ne comprends pas mais avec les chypriotes grecs on ne discute pas, ils ont la science, moi pas. Mon échec à Lemesos s'explique comme celui d'ici. A présent je dois me concentrer sur Yaka, le plus dur reste à faire ... entrer le vélo dans l'avion ... ce n'est pas gagné et tant que le portail ne sera pas franchi rien ne sera écrit.
D'Arnaka à la porte du garage et plus
Samedi 01 Septembre, réveil à 4h, départ à 6h chargé des cartons trouvés la veille, Yaka et moi devons donner l'image d'un couple sans logis plutôt que de randonneurs au long cours. A l'aéroport, confection d'une boite pour vélo puis mise sous film plastique de 5 bagages en 1. Lutte avec le personnel qui veut en faire 2 ... je m'impose. Queue interminable à l'enregistrement, y traîner le vélo sur injonction, tout ressortir pour payer les extras à 50m de là, refaire la queue avec mes bagages, re-traîner inutilement mon vélo à l'enregistrement et enfin le conduire aux « hors formats » où je dois défaire puis refaire l'emballage pour vérifier qu'il s'agit d'un vélo ???? Je me réinscris dans la procédure standard. Retard annoncé 15mn. Changement de hall, report puis report. Nous sommes à 1h d'attente. Enfin c'est dans une cohue indescriptible que je m'assois à ma place ... je dois dire à notre place car nous sommes 2 avec la même réservation. Nombre de cas semblables, Cyprus Air Line montre alors son efficacité ... 1h de plus de confusion avant que l'avion ne décolle. Le reste ne sera que physique et anodin. A Roissy, train de liaison entre les terminaux, puis RER pour Gare du Nord et ses séries d'escaliers mécaniques et surtout dangereux. C'est trempé de sueur que je pédale jusqu'à Gare de l'Est, Séries d'escalier Gare de Belfort et enfin la porte du garage après quelques km en tête à tête avec Yaka. L'aventure est terminée, il est près de minuit.
Cette aventure fut une grande découverte, la tranquillité. Pour résumer mes sentiments et mes sensations je dirai que j'ai eu de grandes difficultés à entrer dans la peau du voyageur, probablement parce que l'Europe m'ennuie et ne me motive plus, particulièrement celle de l'euro. C'est en Ukraine que je me suis piqué au jeu et que le plaisir est revenu. Il est vrai que certaines contrées traversées ne peuvent laisser un être HUMAIN indifférent. De plus les questions se bousculent et souvent restent sans réponse. Je regrette une chaleur bestiale qui m'a fait renoncer à la côte de la Crimée tout cela après avoir évité Tchernobyl. Il restera des points d'ombre dans un pays surprenant et déroutant. La Moldavie a accentué mes satisfactions et le passage en Transnistrie m'a prouvé à quel point les informations dont je dispose sont erronées. La Roumanie a amplifié mon besoin de découverte avant de donner la main à une Bulgarie où le problème Rom ne semble pas totalement résolu. La Turquie merveilleuse (sorte de caverne d'Ali Baba) m'a ouvert ses bras et son coeur, j'en ai largement bénéficié. Il m'a fallu en sortir pour découvrir Chypre, une île sans grand intérêt si j'exclus Famagusta au Nord et Larnaca au Sud. Les pauses prises, les lenteurs accumulées ont donné un rythme nouveau à mes aventures, pour preuve, c'est la première fois que je souhaitais poursuivre, ne pas encore retrouver mes pantoufles. Ce millésime était donc excellent, j'en garderai bien longtemps sa saveur et ses images. La partie envisagée sur le territoire israélien n'avait de sens que par les voies maritimes. Elles m'ont été refusées comme l'ont été les accès terrestres. Il faut savoir se satisfaire de ce que l'on a moissonné ... cette année la récolte est remarquable, je saurai m'en satisfaire. Amicalement à tous ... à bientôt.
[ Publié par Gérard et Christine ] [ 19:33 ] [ vendredi 13 juillet 2012 ] [ Kiev ]
[ Publié par Une personne anonyme ] [ 19:31 ] [ mardi 17 juillet 2012 ] [ Dnipropetrovsk ]
[ Publié par MH ] [ 08:05 ] [ jeudi 26 juillet 2012 ] [ Simferopol ]
[ Publié par Une personne anonyme ] [ 15:08 ] [ jeudi 16 août 2012 ] [ Uzun Keupru ]
[ Publié par Tes voisins ] [ 19:05 ] [ jeudi 23 août 2012 ] [ Acıpayam ]
[ Publié par Gérard et Christine ] [ 19:51 ] [ lundi 27 août 2012 ] [ Kyrenia ]
[ Publié par Gérard et Christine ] [ 08:47 ] [ samedi 1 septembre 2012 ] [ Citium ]
Remerciements
Bien à vous et à bientôt