2010 - Cap au Nord


le projet

Itinéraire et connexions WIFI
Itinéraire et connexions WIFI

Ayant reporté ce projet d' année en année, il était en 2010 devenu incontournable. En effet mes vélos m'ayant conduit à travers la plupart des pays de la grande Europe, restait ces états du Nord qui en étaient exclus. Je dois reconnaître que mon périple en Russie m'avait douché, la pluie dans ces contrées pouvant être tenace et redoutable. Peu convaincu de mon étanchéité, j'annonce une aventure à minima : "Cap au Nord" dont le but non avoué est de rejoindre Cap Nord situé à l'extrémité septentrionale du continent. Le départ sous le soleil reste un instant fort du projet, les pérégrinations initiales sont une bonne mise en situation, la Suède s'avère un excellent piège à cyclistes avec ses incontournables autoroutes, les moustiques Finlandais forgent un mental solide, l'objectif scandinave est une bienne belle victoire. Le retour Norvégien par les fjords est un don du ciel, Oslo un aboutissement. Le voyage se poursuit, le grand 8 se dessine, la fête de retour clôt 9660 km et pile 3 mois d'errance. La pluie et le froid furent mes compagnons au quotidien alors que 2 démences marqueront cette aventure, la nuit de tempête au Cap et la rupture de la tente sous le déluge à Oslo. A ces occasions, le néant s'est ouvert devant moi ... sans que j'y bascule.

article 1 posté de Bruxelles (capitale de la Belgique)

Dimanche 16 mai
Préparatifs hâtifs, je n'apprécie pas d'être pris à la gorge, mon réchaud m' est enfin livré le vendredi, la cape tant attendue le restera. Je partirai avec celle que je porte depuis 2005. Couché à 1h du mat, je suis sur les valises dès 5h. Nuit jockey. 10h, les amis arrivent. Ces 2 heures de convivialité me comblent de bonheur. Jean-Marie m' accompagne fort loin sur la route. Je reste sur mon nuage dans une Haute-Saône toute verdoyante. Luxeuil est bien triste sous un ciel de traîne. A Bain-les-Bains, je choisis de faire une pause... d'une nuit.

Lundi 17 Mai
Sous un soleil inattendu, la Haute-Saône m'apparaît primesautière, presque enivrante. Par chance, les nuages déboulent de l' horizon, la Lorraine mérite un geste... j' enfile ma vieille cape mitée. Averses sporadiques sur un profil vosgien qui me donne le mal de mer. Darney est d'une tristesse terrible avec son cortège de magasins abandonnés. Contrexeville, Neufchâteau, j'entends une voix, je distingue des moutons... me voici à Domremy-la-Pucelle. Après Vaucouleurs, les miennes s'assombrissent; il est temps de planter ma tente.

Mardi 18 Mai
Quel remue-ménage dans cette forêt infestée de gros gibier... un bruit digne d'une sortie de discothèque ! Le brouillard est très épais, les températures basses. M'en allant par la Lorraine avec mon vélo... je chante à tue-tête, le soleil par curiosité se montre. Un petit arrêt à Commercy pour ses madeleines puis la Meuse comme main courante. Je fais convoi avec Reinhard que je quitte avant Verdun. Après 128 km, je consens à poser le pied. J'écris de nuit dans ma petite tente, isolé dans une grande forêt peut-être pleine de loups, Hououou !!

Mercredi 19 Mai
Les éoliennes à moins de 200m ont provoqué un vent d'enfer qui a finalement chassé tous mes rêves. Onglée aux pieds et aux mains m'avertissent de la fraîcheur locale. La Belgique est toute proche mais si petite que je ne la vois pas encore, faut dire que les Ardennes m'occupent à plein temps. Tiens voici dame frontière... enfin, un vestige. Les paysages tout en vert et jaune pétillent tel un champagne trop jeune et à 30 km de Dinant, je dis oui à la pause, mort de fatigue.

Jeudi 20 Mai
La vue sur la forêt est géante, dommage d'avoir dormi ! Il me faudra la matinée pour atteindre Dinant, la faute aux indomptables bosses des Ardennes et devinez qui je retrouve... mon inséparable ami Allemand abandonné à Verdun ! Un brin de causette dans une ville très encaissée, les retrouvailles sont toujours émouvantes. Je longe une Meuse apaisée jusqu'à Namur et ses quartiers anciens. Émoustillé par quelques devantures coquines et suggestives, je stoppe à 30km de Bruxelles, en pays Wallon.

Vendredi 21 Mai
L'entrée dans la capitale est longue et sans grand intérêt alors que le centre joue à cache-cache avec mon humeur. Enfin je parviens à mes fins, la cité vaincue dît à mes pieds, je plonge dans son cœur. La place centrale est magnifique, une pièce d'orfèvrerie qui me laisse pantois. Elle écrase tous les autres lieux particulièrement le misérable Manneken Pis coincé dans une intersection ... une immense déception. Je m'interroge sur sa notoriété et n'y trouve aucune raison ! La ville traîne un air de tristesse malgré le soleil. De nombreux édifices m'appellent, je veux tous les saluer dans un tour d'horreur, secoué par des pavés moqueurs. Pause à l' Auberge de Jeunesse, une sorte d' élixir pour la selle !

article 2 posté de Groningen (Hollande)

Samedi 22 Mai
La soirée a été fort occupée avec l' abondante correspondance informatique. Au matin la sortie de Bruxelles s'avère laborieuse et terriblement gourmande en temps. Le réseau infernal des pistes cyclables interdit une allure rapide tout en secouant terriblement l'attelage. Journée ennuyeuse dans une morne et interminable banlieue agrémentée d' agréables créatures dévêtues et sympathiques dissimulées derrière des vitres propres. 600km à Anvers, quel endroit ! Je trouve cette grande ville superbe, flamande et enflammante, encombrée par des flots de badauds ... c'est samedi mais quand même. Sortie de ville, là encore, délicate. A Putte, la Hollande m'accueille. Je dors à 2 pas d'une invisible frontière !

Dimanche 23 Mai
Trop bien dans mon nid je me réveille à 9h, branle-bas de combat. Je constate à Bergen op Zoom que tous les magasins sont fermés ce qui tempère quelque peu un engouement démesuré pour les pistes cyclables. Va falloir tenir 2 jours avec rien, ce ne sera pas coton heureusement que le temps est de la partie ! Les détours routiers se succèdent, tant par les rivières et bras de mer infranchissables que par les routes interdites aux cyclistes. Après avoir attendu en vain un bac, j'entre à Rotterdam par un tunnel. La ville m' écrase par son gigantisme que je n' apprécie pas, sans être pour autant laid. Epuisé, le ventre vide depuis l'aube, les péripéties s'enchaînent pour mon plus grand bonheur jusqu'au camping.


Lundi 24 Mai
La sortie de Rotterdam est une succession de canaux à travers les polders. Delft est une ville charmante en architecture, une agréable surprise. A 10km, Den Haag n'a pas cette même intimité. Déçu par le manque d'âme des rues, je poursuis jusqu'à la Mer du Nord, un bel instant, une belle image ... A présent sus à Amsterdam que j'aborde à 17h dans l'angoisse d'une heure tardive. Etape de près de 120km, elle est trop longue pour un tel final. Complètement perdu, j'achète une carte. Je ne retrouverai pas l' appartement de Arnt chez qui j'étais invité à dormir. Le camping sera mon ultime secours. Cette capitale est aussi attachante qu'elle est redoutable. Ici aussi des filles souriantes et peu vêtues trônent derrière des vitrines aux lueurs blafardes.

 

Mardi 25 Mai
Journée nature qui contraste avec les précédentes. Lapins, moutons, canaux et étendues d'eau mais également vent terrible et des milliards de pucerons,voici brièvement résumée ma traversée de FlevoLand qui me rappelle bien des souvenirs de travail. Dans ce décor vert, la capitale de ce polder Lelystad est totalement anachronique. Je plante ma tente sur une digue vers Lemmen, polder Nord Ouest. Une bien belle journée forte en chlorophylle.

 

Mercredi 26 Mai
Journée marquée par les 1000 premiers km et pour cela, point n'était nécessaire de faire perdurer les Saints de glace ! Réveillé par le froid durant la nuit, j'ai roulé toute la journée avec 3 couches de vêtements... et dire que l'an passé en Afrique, j'avais trop chaud. Instable je vous dis ! Pour ce qui est des pistes cyclables, j'ai des difficultés pour me diriger, je serai au top demain pour passer en Allemagne car ce soir je dors à moins d'un 1km de Groningen dans une zone très humide, espérons une nuit sans eau !!

article 3 posté de Vordingborg (Danemark)

Jeudi 27 Mai
Entré à 8h à Groningen, j'en suis ressorti à 14h. J'avais décidé de transférer mes données par internet. But atteint et même dépassé, j'ai fait une RAZ totale de celles-ci... un peu technique tout de même. La ville est un grand centre d'intérêt qui me rappelle un passage de plus de 20 ans. Le ciel est mauvais, mon enthousiasme abondant. Je me bas contre un vent du Nord qui me convient... car pas de pluie. Dopé par vos courriels (+ de 50), je ferai plus de 80 km... un exploit. Je franchis la frontière en soirée, me revoici chez moi, je préfère le Germain au Batave pour beaucoup de raisons trop longues à expliquer. Voici venu le soir, un morceau de planète pour moi seul ; la vie n'a jamais été aussi belle malgré ou à cause des incertitudes qui m' entourent.

Vendredi 28 Mai
Réveillé par Mr Soleil, la joie sera de courte durée car le vent tirant vient de l'Ouest donc rien de bon à espérer si ce n'est un vent portant. Je trouve ce principe de piste cyclable totalement inadapté à ma course ... un oeil sur les panneaux, un autre sur les trajectoires, un autre sur la chaussée souvent cassante, un autre sur les priorités aléatoires... enfin un enfer car je suis, sans y être, dans le flux de circulation. Parcours campagne, Bad Zwischenahn est une heureuse surprise alors que Oldenburg ne l'est pas. Quelques grosses averses agressives ne changeront pas une journée agréable. Je traverse la Wezer par le bac et choisi une agréable butte pour y établir mon camp ce soir.

Samedi 29 Mai
Trop de chants, d' oiseaux, de silence, de ciel bleu, je m'échappe de cet enfer doré pour une réalité plus ordinaire de nature et de macadam. Les surprises succèdent aux déceptions ; les joies aux désappointements Je pédale avec la régularité d'un métronome essoufflé. Plus de 100 km séparent le Wezer de l'Elbe, ce seront mes divagations du jour. Après avoir vomi sur les pistes cyclables de ce pays, je suis bien content de les utiliser dans l'imbroglio d'accès à Hambourg. Je dors auprès de ces batteuses d'air que sont les éoliennes alors que là haut une force supérieure me prépare peut-être un dimanche taillé dans un costard pas à ma taille. Que belle est la respiration !

Dimanche 30 Mai
Je sentais mal le lieu, la nuit me le confirme. Alors que je ferme à peine les paupières, une tendre humidité se répand sur mon territoire. Dans l' émoi je renverse ½ litre de ma gourde dans la tente, me voici mouillé dehors et dedans. Une accalmie me permet un départ princier... de courte durée. Hambourg est un dur morceau, 4h pour avaler les dédales de l'Elbe et de ses canaux. Quelle énergie !!! Si c'était à refaire je m' en abstiendrais Les averses sont de plus en plus cinglantes et pour tout dire la ville ne m' enthousiasme même pas... gigantisme et froideur malgré la présence des Hummel Buttels. Trop d'eau nuit au plaisir, l'extraction par les faubourgs sera longue mais sans souci. Je remonte vers le Nord, les pluies sont hargneuses, il est tard, sous la pression de l' une d'elles je monte la tente dans l'urgence en plein virage, par un tel temps personne ne s' arrêtera pour me questionner. Sous la pluie battante, la vie est ce qu'elle devrait toujours être... pleine d' incertitudes.

Lundi 31 Mai
Blotti dans ma tente, les intempéries redoublent. Quel bonheur d' être au chaud alors que  la nature est là, de l autre côté de cette fine toile. 12 km pour Lubeck, une carte postale sous des trombes d'eau. Il fait 10°, j'ai froid, j' hésite à poursuivre mais soudain ma frilosité me fait honte, Yaka est soudain plus fier, la route nous emmène vers d'autres horizons. Le vent est capricieux, il vire au Nord et moi une couche de vêtements (de 4 à 3). A quand le maillot de bain écrasé au fond de la valise ? Le terrain reprend des formes et moi, je réapprends à utiliser le dérailleur. Le vert se bonifie, les habitations se modifient, l'approche du Danemark se fait sentir. De sympathiques aires vertes s' offrent à moi, à la 3° j' obtempère et m' installe. Il est 20h30, le soleil me lèche consciencieusement, comment décrire ces instants de profonde langueur ?

Mardi 01 Juin
Je quitte mon camp, il est vrai trop humide et m'aperçois qu'à quelques mètres, la mer courageusement fait trempette. Les derniers km germains me semblent longs. Me voici enfin à Puttgarden et ses ferries. A l' embarquement, on m'oublie sur le quai, je regarde alors mon bateau partir. En échange, on m' offre un café que je refuse, on n'achètera pas ainsi mon silence. Le second bateau sera le bon, la mer me berce et enfin je roule sur ce petit territoire qu'est le Danemark. La signalisation me perturbe, j' acquiers des devises pour me sentir moins nu. Dehors, la pluie accoure, elle ne me lâchera plus jusqu'à l' aube. Une fin de journée difficile, mais une chaleur du sac de couchage bien réconfortante.

Mercredi 02 Juin
Soleil joyeux, mon moral s' emballe. Tout semble parfait s'il n'y avait ce tenace vent du Nord. Pour la 1° fois je roule en maillot, la mer est partout présente, ce pays délivre de superbes paysages dans lesquels je me noie. Voici un immense pont sur la mer puis un autre, ce pays n'est qu'une succession d' îles ! Vordingborg est un beau concentré de la journée que je clos à 10 km de la capitale dans un camping pour mettre à jour mon carnet de voyage. Non je ne vous oublie pas mais le confort du lieu me semble un peu extrême pour le sauvage que je suis devenu !

article 4 posté de Mariehamn (finlande)

Jeudi 03 Juin
Journée consacrée à Copenhague, ville d' importance qui me demande plus d' une heure pour la comprendre. Entre ses places multiples, ses clochers rutilants, ses artères encombrées, ses canaux majestueux, ses promeneurs détendus, il me reste un peu de temps pour découvrir le fameux quartier de Christianhavn, quelque peu bobo et pour moi décevant. Je découvre un peuple que l' excès ne dérange pas et qui même le cultive. Les quais sont impraticables tant la marée humaine est importante ... Après 30 km de vélo dans les rues, la capitale m'a dévoilé bien des secrets, offert bien des émerveillements. En fin de journée, je choisis de quitter ce cocon alors que j'avais prévu d'y rester une nuit. Hors du centre, toute mon attention se reporte sur la fameuse petite sirène. Pas de chance, elle est remplacée par une miniature décevante, l'original étant exposé à Shanghai. Andersen m'a fait une bien mauvaise blague ! Superbe le détroit d'Oresund qui relie mers du Nord et Baltique. Campement au Danemark à 2 pas de la frontière... enfin du ferry !

Vendredi 04 Juin
La voie maritime me dépose en Suède dans la charmante bourgade d' Elsinborg. Couronnes en poche, le déjeuner est avalé avec voracité. Dès la sortie d'agglomération, la confrontation suédoise prend forme, l'autoroute étant incontournable tout autant qu'interdite. Après bien des galères et devant tant de mauvaise volonté, je décide à 15h de changer d' itinéraire. Ce pays n'est pas conçu pour les randonneurs à vélo. Paysages magnifiques, bourgs insignifiants, je clos très abattu ce premier contact suédois à la sortie de Hassleholm dans un coin de nature aux carpes joueuses et bruyantes. Je crains fort que demain ne soit pas un grand crû mais pour ce soir Ravio et ... au lit.

Samedi 05 Juin
Mentalement re-cuirassé, la route s'avère moins pire qu'escompté, sans pour autant être à conseiller. Sur un profil plissé, c'est à travers des bois sans fin que je clos 3 semaines de bitume et 2000 km dans les mollets. Pour fêter ce double événement, j'aurais préféré un univers moins uniforme et tout aussi odorant. Côté signalisation je reste imperméable à la logique locale, non seulement je pédale mais ... je rame. Bel exemple de tous ces non-sens cumulés dans la ville au nom imprononçable de Vaxyo. Seul lieu de vie de cette journée atteint après 110 km de solitude, j'éviterais bien de telles escales à l'architecture totalement absente mais mon estomac frondeur s'y refuse. Que d'élans ... enfin de panneaux et pas la moindre rencontre ! Pour un possible face à face, j'ouvre la porte invisible d'un bois, la referme avec précaution et installe ma tente. Pour l'instant ce sont des nuées de moustiques qui m' étreignent. Avec la progression de la latitude, les journées n'en finissent plus et le soleil se lève de plus en plus tôt, mes nuits en pâtissent.

Dimanche 06 Juin
Pas plus d' élan ce matin qu' hier !!! Après 30km de bitume agressif, (route conçue pour protéger l' élan au détriment du cycliste) celui-ci enfin s' humanise. J'empile les km à travers une verdure aux arômes puissants. aux lacs innombrables d'un bleu profond qui parfois vire au noir, aux marécages omniprésents couverts de bouleaux aux écorces éclatantes et qui brisés à mi-hauteur rappellent les images de la Russie. Après plus de 110 km de vagabondage, je me pose au camping d'Oskarshamn sur les bords de la Mer Baltique si belle, si paisible et si particulière avec ses énormes blocs de granit lissés par le temps. Ici enfin, mes rêves Suédois se fondent dans la réalité. Reste que pour ce qui est du vélo, les experts du crû ne sont pas à croire.

Lundi 07 Juin
Réveil avec vue sur la Baltique, superbe ! Le ciel se mélange aux eaux, je laisse filer le temps. Découverte de Oskarshamn... rien à voir. E22 fléchée en vert, le vélo est donc interdit. A la police, on me déconseille cet itinéraire (il n'y en a pas d'autre) mais il est accessible. Je le prends.  Les conditions se répètent de jour en jour. Peu d'agréments sur cette portion. Je longe la côte sans jamais la deviner jusqu'à Vastervik où la pluie me rejoint. Je m' équipe en homme-grenouille et pars à l' assaut des kilomètres. Pluie battante, arrêt dans un pré. Trempé va falloir que la chance me donne un coup de main demain hihi !

Mardi 08 Juin
Exaucé, la pluie a cessé, tout est trempé... Les lacs ne se comptent plus, tous sont énormes mais gardés par des colonies de moustiques assoiffés. Mes craintes augmentent à l'approche de Norrkoping, grosse agglomération où je croise l' autoroute. Que m'ont réservé nos amis Suédois ? La ville est d'un intérêt limité mais la population sympathique, bien sur sans commune mesure avec ce que j'ai eu à l' Est ou au Sud. La 55 que je dois emprunter est inaccessible, la police en voiture me sortira de cette souricière. La Suède j'en ai assez, il me tarde de laisser tout ce casse-tête autoroutier à d'autres mais la capitale est à venir et je sens mal cet os ! J' aurai fait évoluer mon itinéraire en fonction du réseau routier, un summum pour un inconditionnel de liberté !

Mercredi 09 Juin
A peine sur la route que déjà ses mâchoires d'acier m' emprisonnent, la liberté des grands espaces se limite à une portion de bitume hurlant. J' imaginais aussi un profil plat comme peut l' être la vie avec une femme de caractère. Après Katrineholm, la route devient sympa telle qu'elle aurait dû toujours être. Mes histoires d' autoroutes m' ennuient comme elles doivent vous fatiguer mais mon ordinaire est celui-là. Vivement que je puisse vous parler des champs de muguet en fleur, des magasins d'Etat seuls habilités à vendre de l' alcool et de plein d'autres choses si importantes. Je dors en banlieue de Stockholm, j'ai évité ma première autoroute mais ne suis pas pour autant rassuré.

Jeudi 10 Juin
Le ciel n' est guère engageant mais mes préoccupations totalement routières. En définitive mon option est la bonne, j'entre à Stockholm à 13h par les pistes cyclables. Arrivée originale par les hauteurs ce qui donne une image féerique du lieu. La ville ne correspond en rien à ce que je pensais, très en décalage avec le pays pratiqué jusqu' alors. Je dois avouer que je suis soufflé et admiratif. Avec ses 14 îles, sa côte déchiquetée, son profil vengeur, je n'ai eu aucune souffrance à comprendre et découvrir sa vieille ville, ses quais, son architecture contemporaine... autant dire que c'est mort de fatigue que j' embarque pour la Finlande sur un superbe et énorme bateau d'où j' écris. L'arrivée à Mariehamn est prévue à minuit. Bonne nuit à vous !

article 5 posté de Lahti (finlande)

Vendredi 11 Juin
Arrivée à Mariehamn capitale des îles Älands à la tombée de la nuit. Ce soir, les moustiques sont à la fête avec la livraison de viande fraîche... Le réveil est pluvieux pour ne pas dire spongieux. Je révise mes plans et choisis l'option Lumparland pour embarquer du fait du temps exécrable qui sévit sur cette partie du monde. Course contre la montre pour saisir le dernier ferry. Il est 16h, je suis trempé, le bateau m' emporte ainsi qu'une grande déception, cet archipel est à faire en bateau, pas en vélo, pour preuve, le paysage qui défile sous mes yeux actuellement ... Je débarquerai à Korpo en Finlande à 21h avec la pluie, l'avenir ne peut que s'améliorer ! Je cumule les kilomètres sur ... et sous l'eau pour ne plus être soumis au dictat des passeurs.

Samedi 12 Juin
Comme redouté, je monte la tente dans la tourmente à 2m de la Baltique à 23h (1h de décalage). Au matin, le spectacle est sublime, l'humidité monstre, la pluie persistante. Je saute d' île en île par ponts et bacs. Ce tronçon est riche en perspectives mais le manque de visibilité ne favorise pas la photographie. 20 km de détour pour saluer Turku, qui me déçoit quelque peu. N'était-ce pas l' ancienne capitale de ce pays ? Elle se résume à une place énorme qui laisse imaginer d'autres merveilles, mais non rien. Faudra pas attendre des trésors architecturaux finlandais ! Je reprends le vélo et la 110, direction Est. Je plante la tente dans les bois (ce n'est pas ce qui manque ici) avant que les nuages ne s'ébrouent juste au dessus de moi.

Dimanche 13 Juin
Que d'eau durant la nuit ! Je démarre dans un épais brouillard, le froid m'engourdit. Je n' aurai roulé qu' une journée en t-shirt et c'était il y a longtemps. Il fait en général de 11 à 13° en journée, 9° ce matin au lever. A ma grande surprise, le profil de l'étape est formé de vagues successives, va falloir s'économiser, il y a encore 1500 km dans ce pays. Journée nature faite de grands espaces colorés, vert partout, rouge pour les maisons, noir le macadam, gris le ciel. Culture et forêt, pas de place pour l' élevage ni pour le tourisme. Je crains d'être gagné par la répétition des clichés. La barbe pousse mais pas assez fort, je dois pédaler pour avancer et me garer à 40 km de la capitale.

Lundi 14 Juin
Après Turku avant hier, Salo hier j'entre à Espoo ce matin. Ces 3 villes me laissent craindre le pire pour Helsinki. La surprise sera plutôt bonne bien que je ne m' aventurerais pas à y rester 2 jours comme prévu. Au port je retrouve la Baltique, un moment perdue. Je décris les rues en tous sens où classique russe et esprit suédois se mélangent. Toute l' histoire de ce pays. Il est l'heure, je reprends Yaka, Grognon mon porte-bonheur trépigne, nous partons plein Nord vers des latitudes extrêmes alors que déjà nous sommes bien haut sur le globe. Les journées vont grossir et espérons, la fraîcheur se stabiliser. Là-haut mon but attend, les semaines à venir occupent mes pensées au point d' occulter mon 3000° km !

Mardi 15 Juin
Réveillé par un grain, je range mes affaires en urgence. Je n'aime pas être brusqué dans mes petites habitudes matinales. Il fait frais, presque froid. J'apprécie cette lente remontée à travers le territoire alors que rien ne le laisserait penser, un ciel chargé de lourds nuages tous plus dangereux les uns que les autres, une route immodérément droite, une gamme totale de vert tant à droite qu'à gauche, des fermes toutes identiques, une solitude totale, une circulation si faible qu'on l' oublie. Je conseille cet itinéraire au plaisir singulier. Une petite épicerie perdue rappelle la Russie. Depuis Helsinki, si les bosses insignifiantes étaient rasées, j' apercevrais probablement le Cap ! Arrêt à Lahti, ville importante dont je me réserve la découverte après vous avoir biser !

article 6 posté de Jylhanpera (finlande)

Mardi 15 Juin -Suite
Lahti est bien une grande cité sans histoire, sans mémoire. Ses rues ne me retiennent pas longtemps ... quelle misère ces villes du grand Nord. Je dors sous l' avant-toit d'un kiosque en forêt ce qui m'évite 2 ondées.

Mercredi 16 juin
Tout mon matériel est sec, je ne sens plus le canard... enfin moins. J'ai eu froid toute la journée malgré mes 3 couches. Le gibier ne manque pas et ce matin 2 gros lièvres m'ont donné envie, non pour les civets mais pour leurs manteaux. Doivent avoir chaud eux ! Sur les 50 derniers kilomètres quel désastre comme seul l'homme sait les générer : l' agrandissement de la 2 voies en 4. Tout est détruit sur parfois 300m de large, tout est anéanti mais au moins l'homme travaille !!! Mes convictions scandinaves et finlandaises ont disparu, tout est ici comme ailleurs, les mêmes valeurs dirigent ces pays. Je ne conseille donc pas cet itinéraire d' autant qu'à bicyclette, il est terriblement dangereux. Nuit à 2 m d'un grand lac, à 10 km de Jyväskylä (ville phare de cette région) gardé par des nuées de moustiques assoiffés.

Jeudi 17 juin
Jyväskylä tient promesse. D' une pauvreté visuelle assez accablante, ses 10 km d' autoroute sont dignes de la Suède, c'est tout dire. La route est rapidement reprise. Au cœur de cette forêt monumentale, tous ces verts me grisent pour ne pas dire me saoulent et pourtant que d'eau ! Serait-elle salée ? Je dois poser la question et s'agit-il d'un ou de plusieurs lacs. Mais après tout peu importe, cette nature est très belle même si elle ne se renouvelle guère. Toujours pas un voyageur à vélo et en plus les gens du nord sont ni curieux, ni causant, ni chaleureux, alors au niveau des contacts, c'est vite vu et cela me pèse. Je dors dans une coupe en forêt mais ici comme partout dans ce pays... pas seul n'est-ce pas les moustiques ?

Vendredi 18 Juin
J' adore cette route, surtout aujourd'hui sans circulation. Le bonheur m' assaille, pour combien de temps encore ? Après la tempête dernière, le profil routier s'est assagi. Je navigue sur mon océan aux commandes de mon fidèle Yaka et ici rien ne me manque sauf peut-être... un élan ... autre qu'intérieur. Je regrette le peu de cyclistes sur cet itinéraire qui ne mérite pas une telle désaffection, la nature se partageant entre forêts sans limite et lacs sans fin, paysage inchangé depuis la nuit des temps. Le vent tourne, les augures ne sont pas favorables ...

article 7 posté d'ivalo (finlande)

Vendredi 18 Juin -Suite
Après-midi sans un lac ni une ville fantôme, le festin s'est transformé en bouillie indigeste. J'apprends ainsi que c'est le bleu qui donne au vert toute son opulence.

Samedi 19 Juin
Le but de la journée est de rejoindre la Baltique. Ce sera chose faite à Oulu, ville qui me surprend par sa vie, ses pubs, sa jeunesse... une vraie cité ! N'ayant pas prévu de m'y plaire tant, je repartirai tardivement pour dormir à proximité de Ii, drôle de nom. Depuis hier j' utilise mes produits anti-moustiques pour monter ma tente, je n'ai jamais vu pareil fourmillement de toutes sortes. Ce sera, je crois, la pire des contraintes de ce voyage. Enfin, à confirmer. Je suis également déconcerté par les jours qu'aucune nuit ne vient troubler... et dire que Cap Nord est encore à plus de 1000 km ! Sera-ce donc du soleil toute la journée ? A ce sujet, il a fait presque chaud aujourd'hui, l'explication en est un puissant vent du Sud qui pousse, qui pousse.

Dimanche 20 juin
Pluie durant toutes mes heures de sommeil que je ne peux plus nommer nuit. Malgré de très mauvaises conditions climatiques, j' accompagne la Baltique jusqu'à son Nord extrême, Kémi. Il semblerait que ce soit la ville la plus laide du pays pour cause d' usines de traitement de matières premières en provenance des mines de Suède, toutes proches. Il fait un froid incroyable et un vent violent sur les quais déserts de la citadine, c'est dimanche. Quelques kilomètres auparavant je rencontre enfin mon premier voyageur. Jussi est finlandais ce qui n'est pas surprenant, vu les conditions de survie ! Je file sur Rovaniemi, capitale d'un territoire qui fait rêver : "la Laponie". Après 150 km de macadam aussi plat et tendu qu'une peau de tambour, ma première crevaison me stoppe net. En vérité je retire du pneu 2 morceaux de verre et un morceau d'acier. Remis sur 2 roues, tardivement pour cause de mains gelées, un lac se présente dans toute sa majesté, je dors sur ses rives qui me procurent enfin un peu de douceur.

Lundi 21 Juin
Mon repos a été à la hauteur du paysage mais le lever est glacial, 8°C à 8h. La pluie est plus froide encore, heureusement elle finit par s'éloigner. Les 40km qui me séparent de Rovaniemi sont interminables et pourtant cette route est superbe depuis que j'ai abandonné les rives de la Baltique pour celles du fleuve Kemijota que je remonte par sa rive gauche. Me voici enfin dans la ville totalement nouvelle. Après le " Tourism Info ", un vélociste pour le spare puis la librairie pour Internet et seulement après une collation rapide mais indispensable car ma dernière absorption d'aliments date d'hier. Les priorités fixent l'agenda.

Au sortir de la bibliothèque, le trottoir plutôt frisquet (12°). Rovaniemi n'est pas à proprement parler une ville balnéaire hormis ses saunas qui paraît-il donnent envie de plonger dans les eaux glacées des lacs. Enfin ... moi pas, faudrait me pousser et encore ! Le  Finlandais est une espèce à sang froid qui me donne des frissons mais moins que la Finlandaise au demeurant jolie. Les constructions contemporaines contrastent avec l'environnement. Bon à présent occupons nous du Père Noël. J'apprends qu'il est consigné à 8km d'ici. J'espère le voir et vous rapporter notre rencontre au plus tôt. Je reprends la route plein Nord. A ce rythme, il me faudra un traîneau et des rennes, l'élan étant trop rare pour être accessible ... Voici Napapiiri où séjourne le Père Noël... le vrai, l'unique. Sa maison est installée pile poil sur le cercle polaire et le couloir d'entrée est pour le moins plein de mystères, de bruits inquiétants, d'objets mystérieux dans une pénombre coupable. A l' étage la porte s'ouvre et me voici face à face avec LUI et 2 de ses lutins. J'explique ma venue, son pourquoi et son comment. Je lui transmets les lettres confiées lors de mon départ et le remercie de m'avoir reçu. Une photo souvenir n'est pas un luxe mais le Père Noël est vraiment si gentil, si doux ... A la lumière je reprends mes esprits et mon vélo, un bien bel intermède. Je pédale avec envie pour mettre un peu de distance entre nous ... quelle journée !

Mardi 22 Juin
5h, le soleil me réveille et sous ses rayons, la Laponie m' apprivoise. Ici la nature véritable existe encore, je l' imagine sous la pluie comme sous la neige, me sentant d'une grande complicité avec elle. Beaucoup de marécages, plus encore de pièces d' eau, d'arbres nains dus aux rigueurs d' hivers glacés... Un premier village, rien à manger, un second, idem. Mon petit déjeuner m' est présenté après 140km de route, à Sodenkyla. Je comble les sacoches, la prochaine épicerie est à 160km. A présent la méfiance m'a investi, le grand Nord n' est pas un super marché. Je croise 3 couples à vélo, le boulevard du Cap est ouvert, il est fort international. Repos auprès d'une synthèse de ce pays, une mare où trône un sapin sec, de fiers bouleaux joliment dressés, une sorte de nénuphars jaunes. Une belle image de cette journée. 20h le soleil est encore bien haut et me fait penser que je manquerai le solstice au Cap, et pourtant il est si proche.

Mercredi 23 Juin
Même sous une lumière différente, mon nid a conservé son envoûtement. Le vent rapidement me met à la page : aujourd'hui nous ne ferons pas équipe. J'enfile des gants plus chauds, je me sens bien seul et peu rassuré mais quelle satisfaction de vivre ces instants incertains ! Une épicerie existe, petite soit mais présente. J' y fais pause. Plus j'avance moins je trouve de cachet à la forêt, je ne dois pas être le seul car hier le renne était partout, aujourd'hui nulle part. J'apprécie quelques habitats lapons, je recharge même en eau dans l'un d' eux. Des Monts hauts de 400m m' entourent, je gravis celui que me bloque l' accès à Ivalo. Encore une ville sans corps mais sa librairie était le but de cette journée. A présent, je ne sais quand je vous donnerai des nouvelles. Les accès internet se raréfient dans l'aridité du grand Nord...

article 8 posté de Honningsvag (norvège)

Mercredi 23 Juin -Suite
Consultant ma carte, je constate que 40km à peine séparent Ivalo de la Russie. Un brin de nostalgie m' envahit. Les berges du lac Inarijarni sont envoûtantes, j'y dors pour les punir.

Jeudi 24 Juin
Hier, avant de m'endormir, j'ouvre un pli à ma carte... apparaît Cap Nord, le but final. Durant la nuit, une autre tente s'est installée à proximité de la mienne. Au matin, le paysage conserve sa puissance, les berges des lacs jouent des sentiments autant que de la mélancolie ! A Inari qui devrait être une bourgade mais qui n'est qu'un hameau, je suis content de pouvoir déjeuner, les lieux se radicalisent. A Kaamanem, je bifurque vers la Norvège, pour la première fois Cap Nord apparaît sur un panneau : 343 km ! Rencontre de Viggo, cycliste Norvégien incroyablement mal équipé et pêcheur de son état. Après l'avoir quitté, la route se montre belliqueuse, je dois me battre de toutes mes forces pour atteindre la frontière et finalement Karasjok. Il me faut absolument de la couronne locale pour poursuivre mon périple. De ce premier contact Norvégien, je coche des différences qui demandent à être confirmées.

Vendredi 25 Juin
3h, réveillé par le froid, à 8h, je fais cracher des billets au distributeur. Soulagé, je me rends à l' église Same, seul édifice digne d' intérêt du lieu. Une longue ascension me montre que cette fois je suis dans la montagne, la neige lèche encore en partie les faces au Nord. Sur la ligne de crêtes, je croise Jean, Canadien à l' itinéraire bien incertain. Repas à Lakselv, le vent dans le museau m'a donné de l' appétit et le peu de culture Same encore visible me laisse des regrets. Je longe alors Porsangen dont les eaux bleues mettent en valeur une multitude de clichés superbes. J'en choisis un, le dernier pour planter la tente. Quel décor ! Cap Nord est tout proche... 140km !

Samedi 26 Juin
Le campement fut merveilleux, quelques km d'asphalte n'altèrent pas ma bonne humeur. A Russenes, pas d' alimentation, pas de déjeuner. La route du Cap est à présent grande ouverte. Nombreuses seront les rencontres mais toutes norvégiennes. Voici que les bosses se succèdent avec des pourcentages d'enfer. Nous roulons à 4, Line et Iselin me stupéfient... Quel punch ! 4 tunnels sont au programme. La vie de taupe ne parvient pas à me séduire et la galerie sous la mer qui conduit à l'île du Cap Nord est impressionnante, glaciale et très pentue (10%). Je quitte mes amis à Honnningswag, il me reste 31 km pour atteindre le but de ce voyage. Les premières gouttes m'alertent mais ne me détournent pas de mon objectif. L'accès au site du Cap Nord est une épreuve de titan. Pluie battante et grand vent me glacent, l'inquiétude me gagne. Enfin le trophée est là, ma joie est engloutie par les soucis de l' instant. Le site n'est pas propice au camping car il n'y a que de la pierre. Je fais mon repas dans le complexe touristique. Va falloir monter la tente ce ne sera pas le plus facile, je pense surtout au vent mais l'avenir écrira cette page. Ici ce soir je suis heureux d'annoncer que Cap Nord est là au bord de l'Arctique et que l'on ne voit strictement rien. Pour le soleil, c'est foutu !

Dimanche 27 Juin
Je suis resté sur site et d'anthologie resteront ces heures. A 1h Je monte la tente sous le restaurant, protection dérisoire contre les intempéries. Je la bloque à l'aide de pierres. 4h plus tard, c' est la panique, la tempête fait rage, rien ne saurait lui résister. Je démonte la tente en urgence et me réfugie dans une voiture que je parviens à ouvrir. La chance ? Secoué par les rafales, grelottant des pieds à la tête, j'attends 11h, l'ouverture du bâtiment. Long calvaire. J' attends alors le bus pour redescendre sur Honningsvag, n'étant plus en état de faire le retour à vélo dans les conditions climatiques du jour. La visibilité n'excède pas 5 m, les heures passées ici seront à jamais gravées dans ma mémoire, transformant ce caillou sans grande particularité en symbole du dépassement de soi. Des conditions de folie m'accompagnent au bus, j' entre alors dans une autre ère, celle du confort, de la douceur et de la chaleur. A l' auberge de jeunesse je rencontre Marc, Mulhousien dans son tour d' Europe, lui a passé la nuit dans un WC chauffé à l'entrée du dernier tunnel... Lentement je reprends vie et envie, dehors le temps-peste ...

article 9 posté de Tromso (Norvège)

Lundi 28 Juin
Auberge et aubergiste sont super mais j'ai besoin de bouger. Cap Nord s' estompe dans les brumes de ma mémoire. Le ciel est menaçant mais à mon avis la température trop basse pour autoriser de grosses précipitations. 105 km de route prise à l' aller altère grandement l'intérêt de la découverte mais le principal est atteint ... je roule. Le vent est très lunatique et sa violence fait que pour la première fois de ma vie, son opposition m' oblige à poser le pied à terre pour ne pas chuter. Les éléments naturels restent les maîtres même si nous tentons de les soumettre. Pas une goutte de transpiration, mains frigorifiées malgré les gants, humidité des terrains qui regorgent d'eau, je choisis le bien-être d'une chambre au camping. Drôle d' été dans le Nord de l' Europe, pas le moment de s' attarder.

Mardi 29 Juin
Bien équipé pour le froid, je me sépare définitivement d'un ami Hollandais que je côtoie depuis 2 jours, nos chemins divergent. Sur les hauteurs, mon compteur annonce 7°, c'est là que je croise Robert, ami Suisse, équipé tel un cosmonaute. Paysage de montagne associé au dénivelé qui va bien, je gagne la façade occidentale de la Norvège sans grignoter le moindre degré. Intensité et fréquence des montées contribuent à faire de cette journée, une étape très physique. Mon but est Alta pour ses peintures rupestres, son alimentation et sa banque. L'impossibilité de retirer de l'argent met à l'eau tous mes projets. Mon voyage est en danger, va falloir trouver une solution, la tête va être bien occupée avant que je m' endorme, n'ai-je pas déjà assez de problèmes ? Je campe dans la ville au pied d'un mémorial.

Mercredi 30 Juin
Assommé par toutes les incertitudes qui m' assaillent, mon sommeil fut profond. Au réveil, le soleil sourit, avec lui, la route est plus douce, plus belle. Les paysages sont magnifiques, le Finnmark jusqu' ici n'a pas été tendre avec moi. Son littoral est si déchiqueté qu' îles et continent ne forment qu' un. Le bleu du ciel dessine des arabesques dans celui de l' Océan. L' itinéraire est terriblement contraignant, les kilomètres chèrement acquis. La solitude est grande, si grande que parfois elle inquiète. Je reste les yeux rivés sur les eaux jusqu'à ce que je croise Olivier, jeune Dijonnais qui fait le même périple que le mien mais à contre-courant. Je parviens à Burfjord où la pluie me cloue sous la tente. Il est 17h. Ce pays est vraiment invivable.

Jeudi 01 Juillet
La nuit a été très humide et fraîche, j'ai dormi avec ma polaire. A 4h du matin, le silence des pêcheurs de saumons m'a réveillé. D'une manière générale, le Norvégien du Nord est frustre, peut-être celui du Sud le sera-t-il moins. Il fait 6° autant dire que j'ai froid. Le plafond est à 200m, je me retrouve rapidement glacé et dans les nuages, visibilité 20m. J'ai 4 couches de vêtements sur le corps, mes chaussettes goretex et j'ai froid. Repas debout dans une nature débordante. A 15h, un village ! Avec un point WIFI. C'est l'occasion d'une nouvelle déconvenue, mon PC ne se connecte plus, çà craint pour les carnets. J'empile ennuis et déconvenues.

La pause à Storslett m'a réchauffé mais promis juré, au premier phoque rencontré je fais demi-tour. De nombreux séchoirs à morues donnent à l' air une senteur forte et caractéristique. Mes nuits restent blanches et sauvages, les 5000 km m'apparaissent comme anecdotiques.

Vendredi 02 Juillet
Ma main droite ne parvient pas à guérir d'une infection ancienne mais ce n'est pas le sujet du jour. Sous un ciel glauque je découvre d' attirants paysages. Je dois avouer que la Norvège me plaît même si elle me cause bien des tourments. A Olderdalen, je choisis l'option bac pour rejoindre Tromso et décider de la suite du périple. Ayant 2h à perdre (cadence du bac), je parviens à obtenir 3000 Kro grâce au fer (système empirique que la jeunesse ne connaît pas) et à une belle histoire triste que je consens à la guichetière. L'avenir s'éclaircit, la joie m'envahit, je fête le pactole avec l'achat d'un gâteau au supermarché. La traversée est glaciale, je reprend Yaka avec soulagement. 20km à fond, avant un second bac cette fois sans attente. Encore plus froide cette traversée. 50 km pour Tromso où je campe face à la ville. Demain, elle dictera ma décision. Prions pour que je puisse poursuivre. Cette aventure bien qu'épuisante me donne nombre de satisfactions et ce pays, de superbes images.

Samedi 03 Juillet
Je franchis le pont qui mène à Tromso et qui se veut élancé et léger. Pour moi qui traîne mes soucis d'argent comme un fardeau, je n'y trouve aucune grandeur. Voici une première banque et bing... rien, une seconde idem. Muni de ma MasterCard, j' achète un billet pour le bateau. Ouf, le terminal me délivre mon ticket, tout n'est donc pas perdu mais la tension sera accrue, la gestion des liquidités se fera au cas par cas. Ne quittant pas l'Europe, j'ai  sous-estimé les difficultés et contretemps de ce périple. En attendant l'embarquement à 15h, je découvre cette ville, la plus septentrionale du continent. Sa position géographique lui donne un caractère spécifique qui épate, interroge et que l'hiver doit magnifier. Sous un soleil froid, l'animation des rues est à son comble, celle du port, habituelle tandis que les terrasses font recettes. Une halte bien agréable dans une cité tournée vers un océan Arctique nourricier. Arrêt à la bibliothèque.

article 10 posté de Sandnessjoen (Norvège)

Samedi 03 Juillet - Suite

Malgré un WIFI coriace, j' arrive à point pour le départ de ma mini-croisière sur une bête de course à 2 flotteurs. Une heure de fjords vus de la mer, cela me change mais rapidement me lasse. Les enchevêtrements de fjords créent un aperçu global indigeste. Déposé à Finnsnes, la température me semble avoir pris un sacré coup de chaud et comme le soleil retient sa chute, je roule encore bien longtemps malgré l'heure tardive avant de m'installer sur une propriété privée ... de ses occupants.
 
Dimanche 04 Juillet
L' improvisation routière par Sjovegan s'avère heureuse malgré quelques pentes corsées. Les 18° matinaux attirent de gros nuages qui noircissent mon horizon azur. La pèlerine jamais très loin réintègre mes épaules. C'est alors que je découvre le fait marquant de cette journée, mon doudou Ronchon s' est fait la malle sans même me dire au revoir, la vie ne sera plus jamais comme avant. Il faudra qu'il apprenne le Norvégien et cela c'est pas gagné d'avance. Dans cet enterrement, la pluie gagne en voracité alors que la cérémonie se termine, je plonge dans l' Astrafjord afin de m' abriter du vent et de fuir la circulation dense de la nationale. Ce choix à chaud (!!) est un bon plan dans l'immédiat mais peut-être pas pour demain et le ravitaillement. J' écris allongé sous la tente plantée en surplomb de l' arctique avec la musique ballet des gouttes sur la toile. C'est dans ces instants que je mesure  la profondeur de mon bien-être.

Lundi 05 Juillet
La pluie a accompagné mes songes et ce matin j'assiste à la lutte entre brouillard, nuages et rais de soleil. Impuissant devant ces éléments, je me lave dans un ru aux eaux glaciales. Sans Ronchon, Yaka est bien seul. Après de gros efforts, je franchis le pont qui m' ouvre la porte des îles. Je visite ainsi Harstad, petite bourgade bien agréable dans laquelle je reprends des forces car croyez moi, le relief norvégien ne laisse aucun répit. Plus loin, un ferry me dépose au seuil des îles Vesteralen. Le vent y souffle très fort, j' abrite la tente derrière une église afin que mes prières soient mieux entendues. Les rafales me soucient et me rappellent de bien mauvais souvenirs. Sombres également, mes contacts Scandinaves qui ne s' améliorent pas bien au contraire. Heureusement que parfois une exception confirme la règle. Je profite de mes dernières journées au delà du cercle polaire et crains de retrouver les nuits noires ...

Mardi 06 Juillet
Le vent du diable s'est incliné face à l' église. Comme prévu, direction Sortland afin de parcourir la totalité du rivage Sud des îles Vesteralen. Comme imprévu, une seconde crevaison me cloue au bitume avant que ne débute le grand bal des tunnels. Si le littoral est superbe, le vent est magistral... 40km en 5h ! A Melbu, je m' embarque pour les Lofoten. Dans les embruns, tout semble irréel, les sommets sont tronqués, les jeux de lumière issus d'une super-production. Quel émerveillement face à ces montagnes que brume et soleil font vivre au gré des vents. Je m'installe en surplomb de l' océan pour contempler plus encore la magie que nous offre notre planète.

Mercredi 07 Juillet
Drôlement humide Austvagoy première des 4 îles principales. Ce matin, l' extraordinaire a disparu, reste un plafond bas et de fines pluies fraîches. Je ne sens pas encore les effets du Gulf Stream. J' entre à Svolvaer trempé. La plus grande ville de ces îles manque de superbe. Je limite l' arrêt à un repas avant de reprendre la symphonie des bosses dont je commence à me lasser. Enfin le ciel se lève, le soleil me réchauffe, mes yeux s' émerveillent devant tant de beauté. J'ai rapidement parcouru Vestvagoy avant de rêver sur les rivages de Flakstadoy où je dors ce soir. Que ne venez vous vous imprégner de ces odeurs et paysages sauvages, mais de grâce... à bicyclette, le plaisir n' en sera que plus mérité. Attention aux bourses cependant, ce pays serait le plus cher du monde mais vu de ma selle, le niveau de vie me semble identique à celui des autres voisins.

Jeudi 08 Juillet
Près de 2km de tunnel pour émerger à Moskenesoy. Le soleil est de la partie. 60 km de bonheur et même de béatitude. Plus je m' approche de A (extrémité de l' île), plus les images m' époustouflent et plus l' odeur du poisson séché est forte. Je suis vraiment gâté aujourd'hui même si je n' échappe pas à une grosse averse glaciale. Je reste ébahi devant le spectacle et la conservation du patrimoine. Aucun mot, aucune photo ne peut témoigner de l'emprise de ces îles sur le voyageur. Je clos ma course devant une mer d'huile et des montagnes immuables. Je reviens au port de Moskenes, 3h de ferry, bien au chaud. Quels souvenirs visuels pour ce jeudi ! Parcourir les îles Lofoten dans ce sens fut un plus car j'ai pu apprécier le crescendo des images. Durant la liaison maritime, vaine bataille pour me connecter à Internet. Je débarque d' humeur mauvaise. à Bodo. Mes quelques contacts locaux n' aident en rien à me rendre plus sociable et le bruit, l' activité, l'animation ne font qu' accroître mon courroux. Pris de folie furieuse, je saute sur Yaka à la recherche d' horizon plus fraternels.

Vendredi 09 Juillet
Influencé par mes récentes rencontres, je décide d'emprunter la prestigieuse 17, la soit-disant plus belle route du pays qui longe l'océan entre îles et continent. Comment voulez-vous résister à un tel appât ? Les 40 premiers km me font regretter ce choix mais les 80 autres sont superbes, de véritables compositions toujours renouvelées, fruits de cette nature que nous tentons d' égorger. Les "ouvrages d' art" se succèdent, particulièrement les tunnels qui me fatiguent nerveusement bien plus que le relief ne m' use physiquement. Le fait d' ignorer la praticabilité du passage n' aide pas à la sérénité. Un randonneur norvégien m' indique le 1° piège à éviterer pour cela, ce sera le Ferry à Ornes. 20h30, une île inconnue m'héberge, seule l' indication 17b me rassure. Le vent est fort, le ciel mauvais, ces éléments clôturent une journée difficile, à faible circulation et fort spectacle, bordée d' inquiétudes que rehausse la solitude. Les épiceries sont rares, je roule donc chargé comme un camion et il semble que l' été adoucisse l' atmosphère même si parfois j'ai froid ... un vrai mois d' Avril.

Samedi 10 Juillet
Le GRAND événement de la journée est indiscutablement le franchissement du cercle polaire arctique en bateau cette fois. Lors du 3° tronçon en ferry (ce qui raccourcit les temps de selle), alors que le ciel crache abondamment son venin depuis le matin, ce symbole tombe sans que le Père Noël n' intervienne. Faut dire qu'entre temps j' ai changé de pays. Le spectacle de la 17 est gâché par nuages et rideau de pluie qui couvrent les montagnes et noient les fjords. C'est d' autant plus regrettable que je devine là, à portée de main, la grâce miraculeuse des glaciers et de la neige. Trempé, glacé, je profite de mes pauses en bacs pour faire le plein de chaleur. Journée très difficile tant par les pentes que par l' humidité mais je ne parviens pas à trouver la situation intenable. Demain tout ira mieux... ou plus mal mais en attendant quel décor lorsque le ciel veut bien être clément.

Dimanche 11 Juillet
L' aire sur laquelle j' ai dormi est équipée d' eu chaude et électricité, du camping 3 étoiles !! Je fais le grand décapage surtout que le soleil se joint à la fête. C'est tel un sou neuf que je reprends la route. C' est normal, nous sommes dimanche et lorsque j' étais enfant, le dimanche avait ses habits et ses coutumes. Le fjord du jour est fort profond. Cette route 17 n' est surtout pas monotone, elle sait se renouveler, je n'aurais à lui reprocher qu' une persistance trop forte à fatiguer mes mollets. 2 tunnels de chez super taupe me préserveront du soleil un bon moment. En fin de journée, petit tour de ferry pour clore un dimanche plein d' allégresse. Je campe ce soir à 5 m de l'océan et à 1km de Sandnessjoen, seule bourgade depuis Bodo. Cet itinéraire ne pratique que nature forte et hameaux disséminés. Une petite prière pour que le vent ne change ni de sens, ni de puissance.

Lundi 12 Juillet
Couché à 5m de l'Arctique, le vent violent m'inquiète mais à 2h, il laisse place à la pluie. Je peux alors dormir tranquille. Départ tardif, passage à la bibliothèque de Sandnessjoen. Mon Notebook ne se connecte plus au réseau. Ennuyeux mais pas mortel, je ferai sans. Par la fenêtre  je constate que toute la tristesse du monde est concentrée ici, mais je sais que la route sera belle. A je ne sais quand ...

article 11 posté de Trondheim (Norvège)

Lundi 12 Juillet -Suite
Alors que je réponds à mon courrier, un mail m' annonce en direct la naissance de ma petite fille, Manon ... une raison supplémentaire de faire sauter les bouchons au retour. Au dehors, le ciel qui n' en demandait pas tant, fête immédiatement l'événement. Rapidement mon environnement se fond dans brumes et nuages. Regrets éternels... je roule dans la ouate, la 17 est effacée. Le vent se lève, tard mais fort, un premier ferry m' emporte je ne sais où... enfin plus loin. Il n'y fait pas meilleur, je suis glacé d'autant plus qu'il m'a fallu attendre 1h l'embarquement. Lavé par une tempête qui me jette parfois sur le bas-côté, je subis les foudres du ciel. Je me précipite dans un second ferry. Le réconfort est de courte durée avant de replonger dans le chaos. Les bourrasques sont telles que je dois pousser Yaka tout en motivant l'espoir. L'heure avance, l' inquiétude me ronge. Alors que je tente d' atteindre le gîte le plus proche -mission impossible- une zone abritée me libère. Dans la tourmente, les 6000km sont noyés. Tente montée dans l' urgence ... nous sommes sauvés. Épuisé par l'intensité du combat, je m' endors dans l' instant, le reste attendra.

Mardi 13 Juillet
En pleine sécheresse depuis 10mn, je plie bagages et enfile ma cape que je ne quitterai plus de la journée. La diversité de la 17 disparaît dans l' opacité des nuages. Je maudis ce temps qui décuple les efforts et masque le paysage. Ferry, tunnels, ponts, mon quotidien ne se renouvelle pas. Après 120 km de course folle, 10mn de répit pour planter la tente dans un parc à moutons. Trempé mais au sec dans mon château, j'écoute la météo par l'intermédiaire du toit peau de tambour. Les nouvelles sont mauvaises, je peux m'endormir en pensant que vivre ici demande d'y être né. Je m'interroge également sur l'activité des résidents depuis 3 semaines, n'en voyant pas si ce n'est à l' épicerie ! Je constate  une sorte d'indifférence à  la pluie même si un peu de soleil me serait agréable. Ma plongée vers le Sud attise les pleurs du ciel et fait grimper la température. 12° aujourd'hui. Sacrées vacances !

Mercredi 14 Juillet
Pour la fête nationale, grandiose festival des eaux. Dès 4h je m'active, les préparatifs sous tente étant très longs. La cape est l' élément essentiel de ce voyage. Je patauge dans une brume compacte puis déjeune au Coop de Hoylandet. Forces reprises, je m'élance et évite de peu la chute, pédale bloquée. Mélange huile et dégrippant, je parviens à rejoindre sur une jambe un magasin de sport distant de 40km. Tout neuf de la pédale, je vais chez un vélociste à Namsus pour faire un lifting à Yaka qui en a grand besoin. Rouler nous semble à présent plus facile et nous croisons un nombre considérable de cyclistes sur cet axe. Après 130km, la fraîcheur 11° remplace l' humidité. Dans la tente, chaussettes aux pieds, polaire fermée, sac de couchage douillet et fumant, je suis ce soir encore un bienheureux dans ce monde.

Jeudi 15 juillet
La série noire continue. Départ ensoleillé, température agréable... une explosion ! Je pile, c'est la chambre à air changée hier par le spécialiste... Je répare sans parvenir à centrer le pneu, je m' en occuperai ce soir, si ça tient jusque là. La tête prise par la roue, je manque la bifurcation marquant la fin de la 17. 30km de détour, les séparations sont toujours douloureuses. Je ne regrette pas d'être revenu sur mes pas, ce choix surplombant les méandres d'un fjord coquin. Peu à peu le relief se trouble, le ciel le voile, la pluie se jette sur moi. Je plante la tente à coté d' une église et croise les doigts, on y croit. Dans le confort de mon lit douillet j' écoute le tamtam sur la toile en m' interrogeant sur le nombre de maisons par habitant dans ce pays. Je décide de les compter pour m' endormir.

Vendredi 16 Juillet
J'ai perdu mon second gant de toilette, celle-ci sera minimale, à la manière des chats. La nature a repris des couleurs, je siffle de joie avant que quelques côtes rébarbatives ne me coupent le sifflet. Le bac m' emporte à l'entrée de Trondheim grande ville, la 3° et ancienne capitale du pays. Je dois avouer que je n'ai pas terminé la visite mais notre premier contact m' enchante... ravissante je vous le déclare. Je m'engouffre dans la bibliothèque.

article 12 posté d'Otta (Norvège)

Vendredi 16 Juillet (Suite)
J' aime à flâner dans les rues de Trondheim au charme désuet et dont le nombre d' édifices surprennent. Il faut dire que rares sont les villes du Nord qui possèdent un passé culturel. Ici et là des lieux de vie ou des points d'animation colorent les quartiers. Je profite d'un ancien coéquipier à Hinault pour changer le pneu qui me pose problème ce qui revient à dire que j' investis pour ma tranquillité d' esprit. Sacoches remplies, je reprends la route à 19h la sortie n'étant pas aisée avec une route à péage. Lentement le vent se lève, je dois en tenir compte pour dormir sur mes 2 oreilles.

Samedi 17 Juillet
Soleil et ancienne route sans aucune circulation donne à ma matinée un air de vacances. Seule bourgade d'une journée nature, c'est à Orkanger que je comble les sacoches de victuailles. Demain c'est dimanche. Bien qu' agréable, l' après-midi sera plus fatiguant et moins distrayant que la matinée. Il semble que depuis Trondheim, cette Norvège soit moins rustique côté climat ... ou alors je deviens un véritable Viking et dans ce cas gare !!! Les voies rapides naissent et surtout l' impact de l' homme sur la nature se fait sentir. Pour moi, avec douceur, la Norvège perd peu à peu son intérêt, pas de sa curiosité. En surplomb d'un fjord majestueux, j' essuie un fort coup de vent qui m' oblige à haubanner la tente.
 
Dimanche 18 Juillet
Au matin, la pluie me devance. Nous sommes pratiquement seuls sur la route. Un ferry me prend en charge pour les îles et après m'avoir déposé sur celles-ci, je subis une véritable séance de nettoyage haute pression. 2 heures de ce régime et un autre ferry me soustrait à une nouvelle punition. C'est à la lutte (vent et pentes ne font pas les choses à moitié) que je gagne Kristiansund, itinéraire conseillé par un randonneur. Ma détresse est sans fond, la ville n'a absolument aucun intérêt et de plus j'y suis prisonnier, les 2 tunnels qui mènent au continent sont interdits aux cyclistes. La seule solution est le bus que j' attendrai 2h. Relâché par le chauffeur sous le soleil, le paysage côtier est sublime, il est à n'en point douter le plus riche et spectaculaire de tous ceux rencontrés. La foule est par contre au rendez-vous. Ce pays est un puit d' images fabuleuses que je ne pense qu'à sonder. Après un tel spectacle je dors dans le chalet " nature " qui domine un vaste lac adossé à une montagne bien dessinée.

Lundi 19 Juillet
Ciel fermé, magasins ouverts. Le décor n'est en rien équivalent à celui d' hier mais la présente montagne modifie quelque peu mes repères. Agrippé à la pente, un tremplin pour saut à skis attise ma curiosité. L'accès ne pouvant être que pédestre, Yaka m' attendra. Au pied de l'ouvrage en bois-dont la structure me semble bien légère-, je mesure le degré d'inconscience de ceux qui s'y lancent. A midi, je roule dans Molde avant d'être bloqué par un défilé dont je ne parviens pas à comprendre la raison. Je fuis à la bibliothèque en attendant que fureur s'esquive.
2 h plus tard, je retrouve la rue et la fête pour l' ouverture du festival International de Jazz. Durant cette période, un "festival Off" anime la cité mais à cette heure, ce sont les ventres qui festoient. Départ laborieux malgré l'absence d'embuche, je colle à la rive du Moldefjorden jusqu'au soir. La vue sur les glaciers est totalement obstruée par un plafond nuageux très bas. Dommage, dommage ! Toujours subjugué par des clichés à couper le souffle  et pourtant le pays perd peu à peu cette âme qui me le rendait si proche et si extrême. Fréquence des magasins, nuits de moins en moins arctiques, la Norvège attirante se volatilise, reste la Norvège rebelle aux pentes scélérates.

Mardi 20 Juillet
Ma nuit au col était une bonne idée mais au matin la pluie a effacé tous les panoramas. Cape rivée sur les épaules mon compagnon du jour se nomme le Langfjorden. Ses rives sont abruptes, pour preuve un col à 600m et 10%. Après 11h de route, trempé de la tête aux pieds, je fais nuitée dans une auberge à Andalsnes, une bourgade dont la notoriété est à mettre au compte de l'incontournable et notoire Trollstigen que j'aborderai  demain. Cette étape diluvienne a été très gourmande en énergie mais je n'ai pas eu à combattre le froid. Drôle d' été quand même et quel regret de ne pas distinguer les beautés voilées de ces contrées scandinaves.

Mercredi 21 Juillet
Au matin les conditions sont catastrophiques, nombreux sont ceux qui me conseillent de rester à l'auberge. Il n'en sera rien, qu'y ferais-je ? Avec le super déjeuner englouti mais qui n'a plus l'originalité du premier -la découverte étant l'un des ressorts de la vie-, je m'élance dans la poisse sur la route des Trolls (Trollstingen) dont la réputation n'est plus à faire. A ma grande surprise, il s'agit en fait d'une superbe ascension de 800m dans la beauté toute naturelle des lieux. Un énorme torrent aux bonds furieux m' accompagne avec beaucoup de bruit et de légèreté alors que soufflant et peinant, je gravis péniblement les lacets très resserrés. Le choix de cet itinéraire est heureux, il est même incontournable. La lutte est longue et intense. Au sommet pas de récompense autre que le fouet des intempéries. Après une rude descente, le ferry (ce sera peut-être le dernier ?) me dépose face à une nouvelle difficulté, une escalade de 600m sous une pluie battante. C'est le tribu pour atteindre le sommet qui surplombe le site classé par l'Unesco : le Geirangerjford !!! 10m de visibilité dans une descente verticale sur Geiranger. Je peste, mes freins souffrent, mes bras également. Au village, plus une hutte, pas un lit, tout est complet, le terrain de camping est inondé, le camping sauvage impossible, je choisis au mieux un emplacement, furieux et trempé jusqu'à la moelle. Situation critique, partout l'eau s' écoule, à demain ou a... dieu !

Jeudi 22 Juillet
A 5h la pluie battante me démoralise. Je décide de faire une journée pause car ce Fjord je veux le voir ! A 9h une accalmie, je plie tout et je m' envole. Enfin façon de parler car les 10% me clouent au versant. Les nuages s'évaporent, le spectacle apparait, il est grandiose. Averses et fraîcheur, 17km de montée, je me régale même si pieds et mimines sont gelés. A 1030m, un glacier passe à portée de main, son haleine est trop fraîche pour le saluer.  Étape terriblement motivante, elle restera un point fort de cette aventure. A présent, j'abandonne les fjords pour l'intérieur du pays, je file sur Lom, une longue et nonchalante descente dans un décor somptueux. Le froid est intense, tout comme le vent. Les giboulées sont violentes, au pays du viking, rien ne se fait dans la douceur. Depuis 2 jours les fruitiers sont réapparus dans mon paysage, preuve s'il en est besoin de la fin du grand Nord. Malgré une météo capricieuse, il me semble que la pénombre s' installe durant mon sommeil et ce soir, campant à l'orée d'un bois, je savoure ce quotidien  extraordinaire. Dans l'avalanche de chiffres cités, il en est un que j'ai oublié, celui des 7000km trépassés.

Vendredi 23 Juillet
Il fait beau et froid, j'ai dormi avec chaussettes et polaire. J'y crois à peine. Depuis ma selle, le paysage est digne d'une carte postale, la rivière Otta en crue aux reflets rouges, l' herbe verte des prairies, les forêts aux essences presque noires et au loin des montagnes bleutées et des glaciers blancs. La bourgade Otta offre confort, service internet et repas aux sacoches. Profitons de cet instant, j'entends déjà la E6 rugir, fini la quiétude et la tranquillité.

Article 13 posté d'oslo (Capitale de la Norvège)

Vendredi 23 Juillet -Suite-
Durant ma séance Internet, la Norvège s'est radicalement transformée. Température idéale pour rouler, confirmation du trafic sur la E20 que je viens de rejoindre, évolution profonde du relief avec cette large vallée qui me happe, modification de l' habitat traditionnel (étages, poutres et souvent cossu), abondance des villages et donc des épiceries et bien d' autres choses qui m' échappent à cet instant. La dangerosité de la voie me fait oublier les beautés d' une nature pleine de vigueur et d'exubérance. Je frôle la mort par 3 fois dont une de si près que j'en frémis encore. Je quitte précipitamment ce laminoir pour évacuer mes peurs. Je plante la tente à 10m du fleuve Gudbrandsdalen. Son calme me repose.

Samedi 24 Juillet
Ciel azur, la chaussée est beaucoup moins bouillonnante qu' hier, peut-être un effet du samedi. Me voici déjà à Lillehammer qui a accueilli les jeux olympiques en 1994. Je n'en garde aucun souvenir... sauf le nom. Le centre de la station est saturé de promeneurs, une telle densité étant rare. Les terrasses débordent, les glaciers manquent de mains pour satisfaire tous les relècheurs qui font queue. Le site Olympique est haut perché mais la visite de la patinoire et des tremplins est indispensable. Patient, Yaka m'attend pour d'autres aventures. La nationale se mue en voie rapide, je lui laisse le fond de la vallée et m' empare de la ligne de crêtes. A Hamar, ville inconsistante, je bégaye pour trouver mon chemin, les indications de celui-ci étant contradictoires avec les conseils de celui-là. Journée très ordinaire aux bien belles images. J'ai parfois cru être en vacances. De mes songes je ressens les effluves d'Oslo.

Dimanche 25 Juillet
Tout semble pour le mieux, mon itinéraire élaboré hier manque de grandeur mais l'absence de circulation est un atout majeur Rapidement la pluie s' installe. A 13h,je suis trempé, mes plans remis en question. Pas un hôtel, pas une hytte, rien, le secours viendra de moi-même. La meute des routes  interdites aux cycles m'entoure, le stress est à son comble, l'énergie se consomme en masse. A 18h, véritable serpillière, enfin un hôtel dans la banlieue d' Oslo... pas dans mes prix. Membres engourdis, un faux mouvement, bing, une cheville amochée mais il y a pire... toujours à se plaindre. Totalement perdu dans la banlieue, bloqué par l' autoroute, la situation est critique. Une église apparait, ce sera mon salut. Je monte la tente sous sa protection et la pluie battante. CRAC ! Un arceau se brise net. Incrédule, la tente est morte ... que faire ? Je claque des dents, peut-être le moral qui lâche mais à coup sûr, j'ai froid et le voyage est terminé. Je retrouve je ne sais comment l' hôtel dont je n'avais pas voulu et y reste pour la nuit, désespéré. Provisoirement sauvé, je n'ai envie de rien sauf de savoir pourquoi la malchance m'a ainsi frappé, qu'a-t-elle voulu m'éviter ? J'avais envisagé de clore mon aventure à Oslo, mais à présent, au pied du mur, face à la réalité, je suis au fond du trou et mon enthousiasme inébranlable est bien secoué. Laissons la nuit apaiser les instincts, demain sera meilleur... à coup sûr. Pour l' instant, je considère mon retour comme imminent, mais en avion.

Lundi 26 Juillet
Ayant dormi moins de 3h dans mon palace, j'ai élaboré différents plans d'action pour ce lundi et constaté le retour de la nuit. Allégé du portefeuille, je gagne en moins d'une heure le centre de la capitale. Le crachin mouille et donne la sensation désagréable d'être collant. Je prends une nuitée dans un hôtel plus à la taille de mon budget (il n'y a pas de bateau le lundi pour ma destination), achète une tente au prix de moult concessions techniques afin de poursuivre l'épopée à vélo. A présent, l'esprit libre, promenade à travers l'espace portuaire d'architecture contemporaine. Les docks en briques rouges s'intégreront parfaitement lorsque les travaux routiers qui jouxtent seront terminés. L'humidité gâche la visite mais comment combler le temps qui passe ? Quel pays ! Sur les quais, d'autres docks abritent la culture et les lieux "branchés" de la capitale. Au centre, le grand boulevard mène au Parlement, le château garde un air tristounet, la cathédrale manque de prestige et les parcs d'intérêt, reste une foule impressionnante de badauds ... Que vais-je faire demain jusqu'à 19h30 et le départ du bateau ?

article 14 posté de Varde (Danemark)

Mardi 27 Juillet
Comme envisagé, la journée a été longue et le soleil très en verve contrairement aux prévisions sur internet. J'ai donc revisité la capitale avec un  oeil neuf mais la sanction se répète. Peu de curiosités dans un espace restreint. 2 jours à Oslo sont presque une punition. tout en reconnaissant qu'avec le soleil, tout est différent. L' embarquement a lieu à 19h dans un énorme navire qui engloutit camions, bus et voitures en grand nombre. A 19h30, la capitale s' éloigne, je quitte une Norvège dans laquelle je suis resté plus d'un mois pour une cabine que j' habiterai durant 12h, la durée de la traversée. A bientôt... au Danemark ! Après les frissons norvégiens, j'espère un peu de tranquillité sur le chemin de la porte du garage.

Mercredi 28 Juillet
Les mâchoires géantes du bateau s'ouvrent sur Frederikshavn, petite cité à cette heure matinale totalement endormie. Sans y faire de vieux os, je parviens cependant à y prendre mon petit déjeuner. Cette fois je me sens véritablement sur le continent. La route résolument plate et uniforme me lasse, le retour est entamé. L' absence de relief favorise le kilométrage et supprime toutes les perspectives ; la route est longue. Je fais halte à Aalborg, grosse ville de 200000 âmes. Déçu par la partie portuaire, la fonction centrale est plus vivante, je dirais même agréable. Une évidence se confirme, ce pays ressemble plus à la Flandre qu' à la Scandinavie. Les petites maisons en bois sont à présent en brique, les façades semblables à celles de la Belgique. Je quitte la côte orientale du pays pour l'Ouest. Le ciel se charge, je monte mon nouveau château de toile à proximité du Limfjorden. Trop basse, la tente manque de confort mais l'arrivée n'est plus loin.

Jeudi 29 Juillet
La nuit confirme l' étanchéité de la tente !!! Je longe un fjord immense sans relief, une étrangeté de ce pays. La journée sera longue à travers les champs de culture, marquée par une dernière traversée en ferry et 2 villes d'importance, Skive et Holstebro. Tout ceci ne satisfait pas une impatience à la découverte et l' émerveillement. Par chance un vent puissant et contraire occupe mes pensées et mes efforts surtout que là-haut s'amassent des nuages contenus par un filet invisible. Je monte la tente dès 18h pour être au sec.

Vendredi 30 Juillet
Nuit et départ copieusement arrosés, les nuages poussés par un vent d'enfer, traînent au sol, s'agrippent aux arbres et arbustes comme pour tenter de freiner une course folle et inutile. Après une heure de selle et 5 km parcourus, petit déjeuner copieux pour regonfler moral et mollets. 10 km restent à parcourir pour atteindre la Mer du Nord, le calcul est vite fait et la surprise grande. En effet, une dune verdoyante galope tout au long du littoral, un peu frustrant mais tellement naturel sauf que je n'y avais pas pensé. Le plus désolant est la prolifération des constructions de vacances dans cet espace qui était à l' origine une immense pâture. Je profite de quelques kilomètres naturels pour escalader la dune et découvrir une mer démontée et splendide tout autant que vorace et affamée. Ce sera la plus belle image de cette journée humide et touristique. Je dors à proximité de Esbjerg. Mes convictions scandinaves ont été aujourd'hui encore sérieusement endommagées.

Samedi 31 juillet
Départ matinal, je visite Varde... désert. La fête d' hier soir a laissé un lit de verre brisé que les sabots de Yaka n' apprécient guère. Je reprends la route pour Ribe et cette fois c'est moi qui ne suis pas content, la circulation étant intense. Voies rapides et autoroutes sont une plaie qui se ré-ouvre devant mes roues. Derniers soubresauts d' un Danemark qui s' éteint. En effet 70km me sépare de l' Allemagne.

article 15 posté de Hannover (Allemagne)

Samedi 31 juillet (suite)

L'arrêt internet n'a pas changé l'environnement morose, ciel bas, nuages gris roulés par un vent contraire de mauvais augure. Surprise et détente à Ribe, que le soleil dore à point. Cette petite ville est à juste titre très touristique et courtisée. Pavés et vieilles bâtisses créent une ambiance sympathique  dans des lieux au charme rare et à la convivialité exceptionnelle. A regret Yaka termine sa pause, le soleil se cache, l'humeur chagrine revient. A 18h, après bien des hésitations, la pluie se décide enfin à me pourrir la vie. Tonder, ultime ville danoise est totalement vide, pas une âme, pas une ombre mais une brique omniprésente et un ciel sombre posé sur les pavés. La pluie fait rage comme si elle avait un compte à régler avec moi. Complètement trempé,je squatte le garage d'une propriété pour plus de confort. La frontière est à 1 km mais de ce côté, quel temps de chien !

Dimanche 01 Août
La nuit a été intense, le déluge inquiétant. Par 2 fois j'ai vérifié le niveau des eaux sous l'abside, bref une nuit d' adieu mémorable. Au matin, l'absence de vent m'étonne ... c'est rare en Scandinavie et de voir toutes ces éoliennes les bras croisés me donne des fourmis dans les jambes. 50 km pour que l'Allemagne soit elle-même. Le déclic survient à Husum, ville semi-portuaire que j'ai particulièrement appréciée. Sous le soleil dominical, musique, ambiance et joie de vivre créent une atmosphère festive et chaleureuse propre à ce peuple. La froideur nordique s'est envolée ! La fanfare embaume l'air des rues, je me laisse prendre à la ferveur locale avant de m'arracher d'ici. A Fredrichstadt, même punition, quel régal. Je me laisse emporter par la simplicité du bonheur et la curiosité générale. Je dors sur le terrain de foot de Marne, les pâturages et grandes cultures n'étant pas favorables au camping sauvage. Le passage des 8000km laisse présager un record kilométrique.

Lundi 02 Août
Réveil dans un stade vide... déception. Je traverse le Canal du Nord en bac croyant que c'est l' Elbe. Déçu. Un Allemand m' explique la complexité de mon parcours, je longe alors les berges de l'estuaire de l' Elbe que les moutons tondent avec application. Les images sont belles et fortes. Je me rapproche d'Hambourg où je ne veux surtout pas mettre les roues (1 fois suffit) à la recherche d'un bac  pour traverser l'énorme fleuve. C'est chose faite à proximité de Stade, petite ville mise en valeur et rehaussée de couleurs comme toutes ses sœurs "germaines". La Scandinavie est bien loin. Lentement le plaisir du voyage revient ; bientôt temps, c'est tout juste si je ne vois pas les pics des Vosges. Déjà traversé à aller, long arrêt à Zeven en fin de journée tandis que les boutiques ferment avec entrain. Ici, l'heure c' est l'heure. Le bien-être m'assaille même si certaines pistes méritent réfection. Je prends mes aises dans un immense pré alors qu'au loin paissent des vaches. Nous partageons le même univers bucolique.

Mardi 03 Août
La prairie est couverte de brume et la tente de rosée. Je me décide à tenter la halte à Hannover distante d'un peu plus de 100km. Avec les heures qui passent mon envie se mue en impératif. A 15h30 je pénètre sur les boulevards guidé par un Kosovar. 10km me sépare du centre, Hannover n'est pas un village. Enfin le cœur ! Les trottoirs-rues, les immeubles, la circulation, les trams, la perte des repères, tout écrase, tout effraie, tout inquiète. Reprendre pied demande un certain temps. Durement bombardée en 44, la ville a été reconstruite dans un gigantisme parfois pompeux. Vite une chambre à l'auberge de jeunesse puis un grand tour des artères, des lacs, de la foire et surtout du prestigieux Rathaus assez impressionnant. Après ce long et reposant intermède citadin, je goûte aux joies du confort et de la propreté. Dans un coin de tête protégé, je nourris une certaine inquiétude pour sortir du piège dans lequel j'ai voulu entrer. Le Radweg le long de la rivière Leine s'il existe, aura ma faveur.

article 16 posté de Geislingen (Allemagne)

Mercredi 04 août
Tout de propre vêtu, la sortie d' Hannover est moins douloureuse que prévu, le centre étant en périphérie Sud, ce qui ne m' interdit pas quelques galères dans les cités satellites. Un arrêt à Hildestein s'impose, son architecture étant remarquable et sa taille humaine. L' Allemagne peut s' enorgueillir d' avoir su conserver de merveilleuses cités traditionnelles. C'est ici que la montagne fait son apparition, peu haute mais très pentue. 4 petits cols et hop ! la nationale me recueille. Je remonte la Leiche, un excellent guide. Dans ce contexte favorable, je bute sur Einbeck, ravissante cité aux accents  germaniques. Si ce voyage a perdu son tempérament aventure, il a trouvé de beaux décors pour me captiver. Je me réconcilie sans peine avec vélo et climat, d'autant que ce pays (du moins jusqu'à présent) est conçu pour la petite reine. Je dors sur les berges silencieuses d'un étang avec en toile de fond, la campagne. J'ai sans douleur passé le cap des 8330 km qui fait de ce périple le plus long à ce jour.

Jeudi 05 août
Même en voyage certaines journées peuvent-être sans teint, celle-ci fut transparente. Nuit arrosée, le bitume peu digeste et Göttingen une ville  bien fade déjà traversée par le passé. Elle ne m'avait laissé aucun souvenir et ne m'en laissera pas davantage cette fois. Les pluies orageuses jalonnent ma journée. Je converse longuement avec 2 cyclistes hollandais. La N27 étant fréquemment interdite aux cycles, le déplaisir revient au galop et à 16h avec la pluie en continu, la galère manque de confort. Bebra dispose de 2 hôtels, un 3 étoiles et l'autre fermé. Mauvais, je monte la tente sur la pelouse d'un lycée. Triste journée, le moral s'en ressent.

Vendredi 06 août
Après une courte accalmie nocturne, il me faut faire mes bagages sous la pluie, un exercice que je n'apprécie guère. Le mental est atteint et remettre des vêtements mouillés n'est pas d'un grand réconfort. Sur une route de plus en plus crispante, parfois autorisée, parfois non, je me bats pour atteindre Fulda, ville chargée d' histoire ; les miennes ne l'intéressent pas. Un nouvel itinéraire s'impose mais coincé par la topologie des lieux, 35 km de nationale m'attendent encore. Je fais le plein d'énergie et m'élance au devant des ennuis. Il me faudra 5h de lutte acharnée, je ne sais combien de cols à 500m et 1 jeu de patins de frein pour aboutir à Bad Brückenau. La ville s' inscrit comme un trophée, je peux à présent modifier ma trajectoire. Trop heureux de cette victoire, je m'accorde 2h de selle supplémentaire et une nuit en bordure de rivière, l' esprit tranquille.

Samedi 07août
Parfums enivrants pour cette journée estivale qui naît au lever des brumes. Humeur buissonnière, le Radweg m'accompagne au long des méandres de l'imposant Main qui charrie quantité de péniches. Même punition avec son affluent, le fougueux Tauber. Que de cyclistes sur cette piste mais que de beautés naturelles dans une région totalement vouée au tourisme. Les bourgades sont vivantes, pétillantes, attirantes, colorées, tranquilles,  empreintes de culture germanique festive, que ce soit Lohr (changement des patins car rouler sans freins çà use), Marktheidenfeld, Wertheim, Tauberbischohsheim et autres villages ou hameaux. Les km défilent au compteur mais sur la carte, mon positionnement n'évolue guère. Après un 20% assassin, en surplomb de Bad Margentheim, Morphée me prend tendrement dans ses bras. Rares sont les étapes vacances mais celle-ci en fut une.


Dimanche 08 août
Beaucoup de chance avec une météo très féminine (je veux dire douce et changeante) et beaucoup moins avec une épreuve de force montagneuse sans le moindre intérêt qui me laisse un arrière goût de labeur, de travail. Je retiendrai tout juste Schwabisch Gmüd pour ses murs, sa place centrale et la terrible averse qui me cloua sous un porche durant 1 heure. Pour clore ce dimanche besogneux, je m'installe en sortie de ville dans un marécage d' altitude propice aux mauvaises pensées : pistes cyclables peu pratiques et contraignantes, séparation des flux cycles et véhicules ne facilitant pas la cohabitation des espèces, et surtout, l'eau du cimetière avalée goulûment cet après-midi impropre à la consommation ... pour l'instant c'est la tête qui va mal.

Lundi 09 août
Le soleil m'enthousiasme et me donne des ailes rapidement coupées par des ascensions à 12% mortelles. Alors que je ne pensais plus trouver un point d'accès Internet, en voici un à Geislingen tenu bien évidemment par un Turc, ce type de boutiques n'étant plus de bon rapport. Devant moi la montagne se dresse et m' invite à la bagarre ... j'y vais.

article 17 posté de la porte du garage

Lundi 09 août -Suite-
La sortie de Geislingen est véritablement abrupte, je n'imaginais pas l'Allemagne si rébarbative. J'adore la montagne, les longues ascensions sur des routes en lacets qui donnent accès à des panoramas nouveaux. Ici, rien de cela, les axes sont rectilignes, les escalades rapprochées, les pentes sévères et les sommets sans grandeur. Pour cette fois, j'accède à un plateau où trône fièrement un bled sans épicerie. Comme souvent, à mes questions précises succèdent des réponses hors sujet. Finalement, après une descente à plus de 60 km/h - c'est impressionnant - j' entre tel un bolide à Blaubeuren, ville sans grand panache au confort ouaté semblable à celui des stations thermales. Ma pause se prolonge d'autant que l'indigène est curieux et le supermarché ouvert. Mon vagabondage reprend enfin, les vacances se poursuivent, le radweg m' entraîne sur les chemins de l' insouciance. Les convulsions montagneuses s' affaiblissent, l' affrontement se termine, bonne nouvelle ! De Ehingen, je retiens l'authenticité peu convaincante et le décalage environnemental. Dans la foulée, je traverse le Donau et revis mon aventure 2006 durant 1 km. L' euphorie a endormi ma vigilance, les 9000 km sont grillés. Je monte la tente à Laugheim le long d'un canal d'irrigation, heureux comme un nouveau né, enfin j' imagine !

Mardi 10 août
L'été est là, il me chauffe et me réchauffe. Sur mon porte-carte, tout en bas, la frontière allemande annonce d'autres mœurs. La promenade champêtre est parfois terriblement éprouvante pour les mollets. Partout le vert déborde et dégouline du tableau. Sans être inoubliable, le paysage n' est pas empreint de tristesse, la présence du soleil n' étant peut-être pas étrangère à ce sentiment. Les bourgades traversées sont en harmonie avec la campagne... sans intérêt particulier. A ma gauche, les Alpes sont nappées de brume, mais lentement se rapprochent. Je plonge sur le lac de Constance, Lindau surgit. Circulation intense, bruit assourdissant et voies entrelacées m' étouffent. Je longe le lac, pas très appétissant, passe la frontière autrichienne sans la voir et reprends mon souffle à Bregens. Ballotté par une forte activité touristique, flux et reflux sont contenus par des façades radicales bien tristes. Stressé par le lieu, la halte est rapidement consommée, Yaka repris. Extrait de ce tumulte avec mille difficultés, un pré m'offre son confort, et l' herbe son moelleux.

Mercredi 11 août
Réveil en pleine nuit, un engin travaille dans mes dépendances. Pas bon pour la récupération d'autant que j'ai expédié hier la date erronée de mon retour. Ma nuit sera chaotique, et ses démons insatiables. Au matin recherche d'un cybercafé, quête difficile mais en fin de matinée, je parviens à envoyer depuis Dornbirn, ce correctif coupable d'un sommeil haché. La journée peut alors véritablement s' engager. Ce ne sont pas mes antécédents autrichiens qui m' influencent mais le vélo dans ce pays est un plaisir et pour que celui-ci soit intense, il faut qu'il soit bref aussi. Je passe au Lichtenstein. Peu de différence entre les 2 états si ce n'est la monnaie officielle. Après quelques photos de la principauté, voici les rues de Vaduz. La capitale, un village de montagne dominé par un modeste château a été investi par la finance. Une petite ville est née, masquant son antériorité rurale. Les Maîtres de la couronne n'étant pas disponibles, l'entrée en Suisse est imminente. Un pont y pourvoit. Immédiatement le paysage se colore au gré de la Croix, le confort de la piste m' épate ... jusqu'à faire de somptueux tunnels pour les vélos le long du lac de Walensie. Je repose l'équipe à Weesen, là où l' herbe est plus belle encadré par voie ferrée et autoroute et là-haut une touche de gris qui mange le bleu du ciel. Le confort se paye !

Jeudi 12 août
Réveillé par la pluie battante, mon sommeil est suspendu. Je plie bagage sous un ciel qui ne cesse de geindre. Ma cape fuit, mon moral est au ras de l'écume. Je laisse Weesen à sa triste destinée et me précipite sur les berges du Zurichsee. Je bénéficie de quelques km de sécheresse et gravis un beau col qui me fait basculer sur Luzern. L'eau ne m'aura pas lâché de la journée, j'en suis écœuré. En contrepartie la Suisse peut être considérée comme le paradis du vélo, tout y est conçu pour l'harmonie entre les différents modes de transport. Je dors à l'Auberge de Jeunesse, un peu de douceur après tant de rudesse mais auparavant, je fais connaissance avec la ville. Le déluge perturbe la rencontre, le lac est sans reflet, les quais lavés, les rues noyées, la grande passerelle toute triste, les édifices sans relief ... J'entends la fin du voyage, l'air de la maison me parvient ... le dortoir est bruyant.

Vendredi 13 août
Un peu de cafouillage pour m'extraire de Luzern. Je remonte le cours de l' Emme. La Suisse ayant une culture de la conservation du patrimoine visuel, les clichés de cette moyenne montagne semblent tout droit extraits de mes vieux livres d' images. Les immenses fermes aux toitures particulières n'ont pas pris une ride, l' Entlebuch est une sorte de parc naturel. Parfois une peinture ancienne enflamme une poutre ou un morceau de mur , elle est l'expression d' une histoire. La route de l'Emmental conserve le même enchantement avec encore une nature plus forte dans un cadre authentique où l'horloge s'est arrêtée. 100 km pour jouir pleinement de l'assemblage offert. Soudain Bern surgit en contrebas. J'entre directement au centre ville, dont les pavés sont indigestes. La capitale fédérale, siège du parlement, est surprenante, son patrimoine médiéval urbain important. Agréable à l'œil, l' austérité des façades n' incite pas à l'exubérance. Sobriété et rigueur caractérisent cette architecture luthérienne. Après usure de mes sandales dans les rues débordantes de touristes, je dévale sur le camping situé sur les rives de l' Aar, mort de fatigue.

Samedi 14 août
Une juste analyse de la situation m'autorise un départ tranquille et serein. Je loue ce pays pour sa capacité à faire cohabiter sur un même axe tous les utilisateurs. C'est un des derniers pays de la vieille Europe à rendre ce service. Par contre côté météo, je suis déçu, la partition jouée n'est pas celle souhaitée. C'est capé que je hante les rues et le marché de Solothurn, petite cité pleine de vie, de charme et d' humidité. Deux heures au sec me permettent d' apprécier l'approche des Monts du Jura. Dans la longue montée sur Moutier, la pluie revient à la charge et pour preuve d' amour ne me quittera plus, passant rapidement en mode déluge. Je n'y crois pas à cet été pourri alors que la tente tout comme moi n'en peut plus. Nous sommes à 10 km de Delémont, la porte du garage programmée demain... cela risque d'être chaud avec ce temps.

Dimanche 15 août
Dur de dormir avec le vacarme de l' eau sur la toile. Par 2 fois je vérifie l'effet baignoire du jardin sur lequel je suis couché. A 6h, je démonte sous les flots, à 7 c'est parti. Trempé à Delémont, arrêt déjeuner. Des affiches annoncent la course de côte des Rangiers... MA ROUTE ! Pour éviter un demi-tour fatal à mon arrivée, je file sur Lucelle. Trempé, gelé, l' ascension me semble dure mais la bête a des ressources. Porrentruy est un passage, les inondations impressionnantes. A Delle, la porte de la France est grande ouverte, j'entre. La pluie redouble et avec le vent, me frigorifie. Je retrouve ici des airs de Norvège. La coulée verte, piste le long du canal, j'ôte la cape, le vent me sèche, Belfort est toujours là, les premières connaissances saluées. La porte du garage est toute proche. 17h01, comme convenu, je gravis la dernière pente, au sommet que d'amis réunis ! Mon émotion est grande, mon plaisir vif, les poignées de mains chaleureuses, les embrassades... de bien douces récompenses. Le bonheur de la réussite de ce projet est écrasé par celui des retrouvailles... un moment fort à reconduire, si possible. C'est pour des instants et des rassemblements de ce type qu' il fait bon vivre. Une communauté naturelle se forme pour donner naissance à une fête dont mon aventure n'est que le fil support. Que demander de plus à la vie ?